Où trouver de la valeur sur les marchés de la dette émergente dans un monde post-pandémique ?
Les perspectives de rendement de la dette émergente nous semblent mieux orientées sur le marché de la dette en devise locale que sur la dette en dollar américain. Voici pourquoi.

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Depuis la chute des marchés provoquée par les répercussions de la pandémie de Covid-19, le monde a été inondé de liquidités et les actifs risqués se sont redressés partout.
La dette émergente ne fait pas exception. Mais après les solides performances qui ont suivi les plus bas du marché, nous examinons les perspectives pour la dette émergente libellée en dollar américain et celle libellée en devise locale.
Dette émergente en dollar américain
Comment s’est-elle comportée cette année ?
Confrontés à des chocs historiques sur la santé publique, la croissance, le budget de l’État et les flux de capitaux internationaux, les marchés émergents ont rapidement plongé dans le sillage de la crise déclenchée par la Covid-19.
Entre le 19 février et le 23 mars 2020, l’indice JPMorgan Emerging Market Bond (EMBI) de la dette émergente libellée en dollar a chuté de -21 %.
Depuis, l’expansion sans précédent de la liquidité mondiale a déclenché une reprise impressionnante : À la fin juillet, la dette émergente en dollar s’était redressée de près de 25 % par rapport aux points bas de mars, ramenant la classe d’actifs en territoire positif sur la période depuis le début de l’année.

Quel est l’impact de la pandémie sur la dynamique de la dette souveraine ?
Malgré la reprise impressionnante, les fondamentaux de la dette souveraine continuent de se dégrader.
Selon le FMI, le ratio dette mondiale/PIB devrait passer de 82,8 % en 2019 à 101,5 % fin 2020.
En ce qui concerne les marchés émergents, les niveaux d’endettement devraient augmenter de 10,7 % du PIB en 2020, pour atteindre 63,1 % globalement.

Qu’en est-il des valorisations ?
Les valorisations semblent de plus en plus élevées. Les spreads actuels du segment « investment grade » – en particulier pour les obligations souveraines notées BBB – sont déjà serrés par rapport aux moyennes historiques calculées à partir de 2005.
Si le segment « high yield » recèle encore de la valeur comparé aux niveaux historiques, les interrogations sur l’ampleur de la détérioration du crédit sous-jacent et les perspectives de croissance post-Covid-19 ont favorisé la pentification de la courbe de crédit.
Quelles conditions pour une poursuite du rebond ?
À l’aide de notre cadre propriétaire, nous jugeons si les fondamentaux se reflètent actuellement dans les niveaux de spreads relatifs.
Selon notre cadre, les mesures massives des autorités affaiblissent la corrélation entre les fondamentaux et les prix. Cela s’explique par le fait que les prix ont tendance à intégrer une forte probabilité de reprise, comme on a pu l’observer à la suite de l’augmentation de la liquidité dans le monde cette année et après la crise financière mondiale (voir graphique ci-dessous).

Notre cadre indique que la dette émergente en dollar américain conserve une marge de surperformance malgré la détérioration sous-jacente des fondamentaux.
Toutefois, cette surperformance comporte trois limites. Elle
1) dépend d’un contexte extérieur favorable
2) requiert une forte reprise de la croissance dans les marchés émergents
3) laisse la classe d’actifs vulnérable à des épisodes de réévaluation agressive, comme on l’a vu lors du « taper tantrum » en 2013.
Les perspectives restent sujettes à une incertitude considérable et ce contexte favorable à la classe d’actifs ne peut être exclu à ce stade, mais l’environnement de croissance post-Covid-19 pourrait s’avérer moins propice aux marchés émergents.
Allons-nous connaître une reprise en V ?
Les facteurs qui ont soutenu une reprise en V dans les marchés émergents après la Crise financière mondiale, notamment l’expansion massive des actifs immobilisés chinois à forte intensité de matières premières, ne devraient pas se matérialiser dans la même mesure. La marge de manœuvre budgétaire limitée des pays émergents pourrait se traduire par des dommages à plus long terme via des faillites, des investissements abandonnés et un chômage élevé, ce qui accroîtrait les difficultés.
Enfin, les répercussions de la pandémie resteront importantes au cours des 12 prochains mois ; même si un vaccin était approuvé avant la fin de 2020, sa fabrication et sa distribution prendraient du temps. Autrement dit, la croissance restera probablement inférieure à sa tendance en 2021.
Dans ce contexte, avec des valorisations proches des moyennes historiques et des fondamentaux de crédit souverain fortement dégradés, les perspectives de performance des 12 prochains mois, pour la dette émergente en dollar, ne sont guère séduisantes en l’absence de reprise plus forte que prévu de la croissance des marchés émergents.
Dette émergente en devise locale
L’investissement en devise locale est plus simple à appréhender que l’investissement en dollar. Outre les considérations concernant les marchés émergents eux-mêmes, le principal facteur est sans surprise la trajectoire du dollar américain.
Comment va évoluer le dollar américain ?
Alors que tous les pays développés appliquent des politiques de taux nuls et d’autres formes de relance monétaire très semblables, il est difficile de prédire avec assurance une hausse ou une baisse du dollar sur cette seule base.
Les hypothèses que nous formulons pour la dette émergente en devise locale seraient amplifiées positivement par un dollar plus faible et négativement par un dollar plus fort.
En conservant notre horizon de 12 mois à l’esprit, les données historiques suggèrent une plus forte probabilité de voir le dollar baisser, sauf émergence d’un facteur positif spécifique aux États-Unis et indépendant des différentiels de taux d’intérêt.
Comment évaluer le potentiel de performance de la dette émergente en devise locale ?
Afin de déterminer ces performances potentielles, nous tentons en premier lieu d’estimer au plus près leur « juste valeur ». La manière la plus simple de le faire est d’examiner les taux de change effectifs réels par rapport à leur historique.
Le taux de change effectif réel est la moyenne pondérée des taux de change par rapport à un indice ou à d’autres devises majeures.
À l’aide de notre cadre propriétaire, nous estimons que les principaux pays de l’indice de dette émergente en devise locale devraient progresser de 8 % pour atteindre leur « juste valeur ».
Si certains pays sont bien entendu susceptibles de rester sous-évalués pour des raisons spécifiques, d’autres pourraient s’apprécier au-delà de la « juste valeur » pour les mêmes raisons.
Quel est l'impact de l’inflation ?
Pouvons-nous nous fier à ce chiffre de 8 % ? À cet égard, la variable la plus importante est probablement le potentiel d’inflation résultant de la forte baisse des devises observée en début d’année.
Le facteur atténuant, à ce stade, est que la baisse des devises ne s’est pas inscrite dans la durée et a déjà été largement compensée.
Par conséquent, contrairement à la période 2014-2016 où la baisse de l’indice des devises était durable et a entraîné une hausse de l’inflation dans les marchés émergents avec un retard de 6-12 mois, l’épisode actuel ne devrait pas avoir d’effet significatif sur les prix.
C’est pourquoi nous pensons qu’un redressement des taux de change effectifs réels devrait se traduire presque directement par une appréciation nominale.
Qu’en est-il des rendements de la dette en devise locale ?
Outre l’appréciation potentielle de la devise, il convient de noter que le rendement actuel de l’indice se situe à 4,4 %, ce qui constitue un plancher historique. Néanmoins, dans un contexte de taux nuls dans les pays développés, de modestes baisses de taux de la classe d’actifs sont envisageables, qui pourraient entraîner une surperformance limitée par rapport à l’indice.
En effet, les taux d’intérêt réels restent positifs dans quelques-unes des principales économies émergentes.
Par conséquent, si nous additionnons le potentiel d’appréciation des taux de change (8 %, avec une inflation modérée qui pénalise la moyenne) et un rendement de 4,5 % (rendement de l’indice, plus une très faible appréciation due aux baisses de taux futures dans les pays ayant des taux réels positifs), nous obtenons un potentiel de performance à deux chiffres sur 12 mois.
Les choses pourraient-elles mal tourner ?
Si notre scénario de marchés développés signalant un possible ralentissement de la liquidité conduit à un moindre appétit pour le risque, un retour à la juste valorisation des devises serait retardé, voire voué à l’échec.
En effet, si l’environnement macroéconomique mondial implique une baisse significative de l’appétit pour le risque sur les marchés développés, il est peu probable que les devises locales retrouvent, en moyenne, leur juste valeur. À l’heure actuelle, leur sous-évaluation représente toutefois une marge de sécurité plus importante que les spreads de la dette émergente en dollar.
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