Obligations indexées sur l’inflation en période d’inflation: comment les utiliser au mieux?

L’inflation étant à son plus haut niveau depuis des décennies, quels rendements les investisseurs devraient-ils attendre des obligations indexées sur l’inflation, et sont-elles la meilleure forme de protection contre l’inflation?

15/02/2023
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Authors

Lesley-Ann Morgan
Responsable de la stratégie multi-actifs
Ugo Montrucchio
Gérant de fonds Multi-Asset
Ben Popatlal
Stratège multi-actifs

La croissance des prix à la consommation a atteint son plus haut niveau des 40 dernières années en 2022, faisant de l’inflation l’un des principaux problèmes pour les banques centrales, les gouvernements et les investisseurs. Même si ces derniers mois, l’inflation semble montrer des signes de ralentissement, de nombreux investisseurs recherchent toujours le bon type d’exposition pour se prémunir contre les hausses de prix futures.

Les obligations indexées sur l’inflation sont une première possibilité à surveiller. Mais quelle est la protection offerte par ces instruments?

Trois questions se posent:

1. Les rendements des obligations indexées sur l’inflation sont-ils corrélés à l’inflation?

2. Si c’est le cas, dans quelle mesure sont-ils protégés contre celle-ci?

3. Enfin, d’autres actifs d’un univers diversifié peuvent-ils offrir une meilleure protection contre l’inflation?

Dans ce document, nous avons effectué notre analyse en utilisant des bons du Trésor américain indexés sur l’inflation (TIPS), mais les mêmes principes s’appliquent aux Gilts indexés britanniques et aux autres obligations indexées sur l’inflation. Les TIPS ont été mis aux enchères pour la première fois en janvier 1997. Le Royaume-Uni a été l’une des premières économies développées émettrices d’obligations indexées pour les investisseurs institutionnels, la première datant de 1981.

Que sont les obligations indexées sur l’inflation?

Les obligations indexées sur l’inflation, comme l’indique leur nom, sont des émissions dont le capital et le paiement des intérêts (le coupon) sont liés à une mesure reconnue de l’inflation. Aux États-Unis, par exemple, il s’agit de l’indice des prix à la consommation. Elles sont conçues pour protéger les investisseurs contre le risque de hausse des prix en ajustant leurs montants en principal en fonction de l’évolution générale des prix afin de maintenir leur valeur réelle.

Contrairement aux obligations nominales, les paiements d’intérêts et la valeur du principal à l’échéance des obligations indexées sur l’inflation sont ajustés pour tenir compte de l’évolution de l’indice des prix à la consommation (CPI) choisi. D’une manière générale, étant donné que les flux de trésorerie de ces titres varient en fonction du niveau d’inflation du moment, en cas de hausse des prix à la consommation, les investisseurs recevront une rémunération plus importante à leur date d’échéance.

  1. Comment les obligations indexées sur l’inflation sont-elles corrélées à l’inflation?

En théorie, les TIPS devraient rémunérer pleinement un investisseur en cas de hausse de l’inflation. En d’autres termes, le rendement de ces actifs devrait être fortement corrélé à l’inflation réalisée, préservant la valeur réelledu capital.

Mais dans la pratique – comme le montre la figure 1 ci-dessous –, ce n’est pas nécessairement toujours le cas.

Pour en comprendre la raison, il convient de prendre un peu de recul et de tenir compte des risques alternatifs auxquels sont confrontés les investisseurs qui ont choisi les obligations nominales plutôt que des titres indexés sur l’inflation.

Pour faire simple, un investisseur en obligations nominales est rémunéré pour deux risques clés supportés pendant l’horizon d’investissement: l’érosion du pouvoir d'achat (valeur nominale de l’investissement) liée à une hausse ultérieure de l’inflation, et la fluctuation de la composante taux d’intérêt réel (le rendement de l’obligation nominale).

En revanche, un investisseur dans une obligation indexée sur l’inflation n’est pas confronté au risque de marché lié à l’inflation réalisée sur l’horizon d’investissement. Il est soumis au même risque que l’investisseur en obligations nominales pour la composante rendement réel. Si la perte accumulée par la hausse des taux d’intérêt réels l’emporte sur les flux de trésorerie offerts par l’indice d’inflation, le rendement total de l’investissement sera négatif (et donc inférieur au taux d’inflation).

Il est important de noter que cela se vérifie même si l’inflation observée pendant la durée de vie de l’investissement s’avère plus élevée que prévu.

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Source: Schroders, Refinitiv, décembre 2022.

2. Dès lors, dans quelle mesure se protègent-ils contre l’inflation?

Il est utile de comparer cet investissement à une allocation similaire dans une obligation nominale similaire. À périmètre constant, une obligation indexée sur l’inflation devrait surperformer son équivalent nominal si et seulement si l’inflation réalisée pendant la durée de vie de l’investissement dépasse l’inflation anticipée qui est intégrée dans les prix actuels du marché.

Un exemple pratique: obligations nominales vs obligations indexées sur l’inflation

À l’heure actuelle2, l’obligation indexée sur l’inflation en USD à deux ans la plus fréquemment négociée est valorisée à 0,5% d’ici à son échéance, tandis que le rendement des obligations nominales d’échéance équivalente s’élève à 3,25%3. Sur cette base, le point mort d’inflation à deux ans (le taux d’inflation intégré dans les prix nominaux actuels des obligations) est d’environ 2,75%. Par conséquent, si vous achetez des TIPS, vous obtenez 0,5% en termes réels; si vous achetez l’obligation nominale, votre rendement réel est de 3,25% moins l’inflation réalisée sur deux ans.

Ainsi, si l’inflation réalisée est supérieure au point mort d’inflation (attendu), le rendement réel d’une obligation nominale sera inférieur au rendement de son équivalent indexé sur l’inflation, comme le montre la figure 2.

Si l’inverse se produit et que l’inflation réalisée est inférieure aux attentes, le rendement des obligations nominales est supérieur, comme le montre la figure 3.v

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Source: Schroders, Bloomberg, décembre 2022. Remarque: les rendements concernent les obligations américaines à 2 ans et les obligations américaines indexées sur l’inflation à 2 ans.

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Source: Schroders, Bloomberg, décembre 2022. Remarque: les rendements concernent les obligations américaines à 2 ans et les obligations américaines indexées sur l’inflation à 2 ans.

Face à un choix entre les deux instruments, l’investisseur devrait privilégier l’actif indexé sur l’inflation si son anticipation d’une inflation réalisée entre le moment présent et 2024 dépasse 3,25% (estimation actuelle de l’inflation future). S’il estime que l’inflation réalisée sera plus faible, il devrait préférer investir dans des obligations nominales. Il s’agit d’un principe simple, mais souvent oublié, permettant de déterminer la classe d’actifs à privilégier.

Les investisseurs doivent déterminer si le marché (taux d’équilibre) sous-estime l’inflation. Il n’est peut-être pas utile d’acheter des TIPS lorsque le point mort d’inflation intègre déjà des anticipations d’inflation très élevée: il pourrait être préférable d’acheter les obligations nominales, en s’appuyant sur le fait que le rendement nominal est suffisamment élevé pour faire face à l’inflation.

À titre d’exemple, la figure 4 montre la différence entre l’inflation réalisée et l’inflation anticipée sur un an. Si la différence entre ces deux variables est positive, il aurait été préférable pour l’investisseur d’opter pour des titres indexés sur l’inflation (et vice versa).

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Source: Schroders, Refinitiv, décembre 2022.

Il est bien sûr complexe de prévoir l’inflation future et de voir dans quelle mesure elle diffère des anticipations du marché. De nombreux investisseurs institutionnels ont leurs propres modèles de prévision d’inflation indépendants, s’appuyant sur l’expertise d’économistes internes et externes.

En l’absence de telles ressources, les investisseurs peuvent observer les interventions et les déclarations des banques centrales. Si une banque centrale cherche à réduire l’inflation en limitant les mesures de relance monétaire dans l’économie, il est logique de s’attendre à ce que le coût de l’argent augmente pour entraîner un ralentissement de l’activité économique et de la demande. Dans ce scénario simplifié, on peut s’attendre à une hausse des rendements réels, une baisse de l’inflation réalisée et une sous-performance des TIPS par rapport aux obligations nominales.

En revanche, si une banque centrale continue d’apporter des mesures de relance en maintenant des conditions monétaires accommodantes et en permettant à l’inflation d’accélérer, les obligations indexées sur l’inflation devraient surperformer leur équivalent nominal. L’observation de l’attitude de la banque centrale vis-à-vis d’une hausse des prix locaux constitue un autre exemple du vieil adage «il ne faut pas lutter contre la Fed». Elle constitue un indicateur utile pour les investisseurs afin de se forger une opinion sur la trajectoire de l’inflation.

3. Comment comparer les TIPS aux autres actifs de protection contre l’inflation?

Les obligations indexées sur l’inflation devraient offrir un potentiel de couverture contre l’inflation plus prometteur que les autres classes d’actifs, car leurs paiements d’intérêts et leurs montants en principal sont ajustés en fonction de l’évolution générale des prix.

Toutefois, comme indiqué ci-dessus, les performances peuvent être volatiles par rapport à l’inflation lorsqu’elles sont détenues pendant des périodes inférieures à leur échéance. En effet, l’impact des fluctuations des rendements réels sur les prix peut parfois l’emporter sur leur revenu indexé sur l’inflation.

En conséquence, les TIPS ne sont pas toujours la meilleure couverture contre l’inflation d’un portefeuille multi-actifs. (Nous ne parlons pas ici des investisseurs mettant en adéquation les paiements et la duration de leur obligation avec des obligations spécifiques. Nous entendons par là une classe d’actifs qui offre globalement des rendements qui augmentent avec l’inflation, ou qui offrent des rendements supérieurs à l’inflation.)

Faire mieux que l’inflation: quelle a été la performance passée des obligations indexées sur l’inflation?

La figure 5 montre le pourcentage de périodes de 12 mois glissants depuis la première émission de TIPS en 1997 au cours desquelles les différentes classes d’actifs ont enregistré des performances réelles positives. Les couleurs représentent la fréquence à laquelle différentes classes d’actifs ont fait mieux que l’inflation : rouge (faible), orange (moyenne), vert (forte).

Par rapport aux autres classes d’actifs, les TIPS ont tendance à surperformer l’inflation la plupart du temps, mais ils ne constituent pas la meilleure couverture contre l’inflation en cas de hausse de l’inflation, et ont tendance à être meilleurs lorsque l’inflation diminue. Par exemple, dans un régime d’inflation faible et en hausse, les TIPS ont enregistré des performances réelles positives 72% du temps. En comparaison, les actions ont surperformé l’inflation 88% du temps (mieux que n’importe quelle autre classe d’actifs et malgré leur faible sensibilité à l’inflation). Toutefois, cette analyse a ses limites, dans la mesure où l’horizon n’inclut pas les périodes d’inflation extrême telles que celles observées en 2022.

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Source: Schroders, Refinitiv. Données de mars 1997 à décembre 2022. Remarques: sur la base des rendements annuels en glissement mensuel par rapport au taux d’inflation contemporain, où la fréquence <50% (rouge), 50%<X<67% (orange), >67% (vert). L’inflation faible/élevée se définit comme le taux d’inflation moyen sur les 12 derniers mois. La hausse/baisse se définit comme l’évolution du taux d’inflation sur 12 mois. Le taux d’occurrence désigne le nombre de périodes de 12 mois glissants dans chaque régime d’inflation.

Comme le montre la figure 5, plusieurs classes d’actifs peuvent surperformer l’inflation dans différents environnements. La figure 6 montre les variations du rendement réel moyen.

Par exemple, bien que l’or ait été moins cohérent en termes de surperformance que certains de ses concurrents en période d’inflation élevée et en hausse, l’ampleur du rendement réel reçu a été nettement supérieure. En moyenne, sur ces périodes de 12 mois, l’or a dépassé l’inflation de 21%. Ainsi, lorsque l’or a réalisé une surperformance, il l’a fait exceptionnellement de manière soutenue. En revanche, les TIPS ont enregistré des performances réelles positives représentant un tiers de la surperformance de l’or.

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Synthèse

1. Les TIPS procurent des rendements supérieurs à l’inflation dans la plupart des environnements d’inflation, même si d’autres classes d’actifs ont obtenu de meilleurs rendements réels. Par exemple, dans un régime d’inflation élevée et en hausse, lorsque la protection contre l’inflation est particulièrement importante, les matières premières ont tendance à surperformer les TIPS. Dans un environnement d’inflation élevée et en baisse, les obligations nominales et les TIPS pourraient offrir une meilleure protection.

2. Le choix des obligations nominales ou indexées sur l’inflation dépend du jugement d’un investisseur quant à savoir si l’inflation au cours de la période de détention est susceptible de dépasser les anticipations d’inflation du marché. Les obligations indexées sur l’inflation surperforment leurs équivalents nominaux en termes réels lorsque l’inflation réalisée dépasse les anticipations d’inflation sur la période. Il convient également de noter que les obligations indexées sur l’inflation ont une duration plus longue que les obligations nominales pour la même échéance. Au total, elles sont donc plus sensibles aux variations des rendements réels. En outre, la liquidité des obligations indexées sur l’inflation tend à être plus faible et les coûts de transaction plus élevés.

3. Prévoir le type de régime d’inflation auquel nous sommes susceptibles d’être soumis et prévoir l’inflation sont deux tâches difficiles. Par conséquent, la diversification entre différents types d’actifs susceptibles de générer des rendements supérieurs à l’inflation pourrait être la stratégie la plus appropriée dans un environnement d’inflation sans précédent depuis plus de quatre décennies, du moins jusqu’à ce qu’un environnement de ralentissement se manifeste plus clairement, lorsque les obligations enregistrent généralement de bonnes performances par rapport aux autres classes d’actifs.

1Données Bloomberg, décembre 2022.

2Valeur réelle conçue comme la valeur nominale du capital investi en éliminant l’inflation réalisée accumulée au fil du temps.

3Le point mort peut faire l’objet d’estimations légèrement différentes en raison de la méthodologie utilisée et de l’interpolation choisie pour différents points sur la courbe. Aux fins du présent document, il s’agit de points techniques qui n’influencent pas nos conclusions générales.

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