PERSPECTIVE3-5 min to read

État des lieux des marchés obligataires

Point quotidien sur le coronavirus : Les marchés obligataires affichent des comportements extrêmes, voire déroutant dans certains cas. Dans cet article, Philippe Lespinard passe au crible les récents développements et cherche à les expliquer.

26/03/2020
ploblig

Authors

Philippe Lespinard
Directeur de la gestion obligataire

Comment se peut-il que les emprunts d’État subissent des dégagements massifs au même titre que les actifs risqués ?

La réponse tient en partie au fait que les réserves des banques centrales sont constituées principalement d’emprunts d’État et que ces banques doivent céder ces obligations pour constituer des liquidités afin de préparer les plans de soutien financiers.

D’un point de vue plus fondamental, la consommation ralentit de façon accélérée, ajoutant un choc de demande au choc d’offre existant qui découle des fermetures d’usines en Chine. Les distributeurs disposent pour la plupart de trois mois de trésorerie d'exploitation. Si la crise actuelle et la baisse de la consommation excédaient cette durée, bon nombre d’entre eux seraient susceptibles d’être en cessation de paiement et de faire faillite.

La réduction des taux d’intérêt est relativement inefficace pour faire face à un tel défi. D’où les plans massifs de dépenses budgétaires qui se profilent, en parallèle à des mesures micro-économiques directes de soutien aux entreprises, telles que la garantie des prêts par l’État, permettant aux entreprises de sécuriser d’importants découverts.

Une fois la crise passée, certains de ces découverts pourraient devoir faire l’objet d’une remise de dette. Ces pertes seront couvertes par l’État, ce qui se traduira par une forte augmentation de la dette publique de nombreux pays, à hauteur de 5 à 10 points de pourcentage du produit intérieur brut des pays. La hausse des rendements des emprunts d’État reflète cet endettement à venir.

Ces actions concomitantes semblent donc être la raison de la remontée des taux  alors même qu’ils devraient normalement baisser, les obligations d’état étant d’ordinaire une valeur refuge.

 

Pourquoi la réduction des taux de la Réserve fédérale n’a-t-elle pas été bien accueillie ?

Dans un cycle économique normal, la baisse des taux est le remède habituel pour contrer un choc négatif, mais les circonstances actuelles sont tout sauf normales. À l’heure actuelle, abaisser les taux aurait peu d'effet si ce n'est de fournir des liquidités aux banques, qui en disposent déjà amplement. Les établissements bancaires sont en bonne santé : ils sont bien capitalisés, détiennent des actifs de bonne qualité, sont raisonnablement endettés et affichent de solides ratios de liquidité. Il n’y a donc aucun obstacle à l’octroi de crédits. Les spreads sur les marchés du crédit se sont fortement creusés pour prendre en compte la perspective d’une augmentation des primes de risque et des défauts, signalant dès lors que la baisse des taux n'est pas la solution.

 

Le secteur financier est-il confronté à un risque d’insolvabilité ?

Cette hypothèse nous semble peu probable. Les entreprises commencent à utiliser leurs lignes de crédit, notamment Boeing, qui a usé de son droit de tirage de 14 milliards de dollars auprès de ses banques. Ce phénomène laisse entrevoir la perspective d’une forte pression sur les liquidités des établissements bancaires, et c'est précisément pourquoi les banques centrales vont les soutenir. Les banques affichent par ailleurs une excellente santé, la meilleure depuis de nombreuses années.

Il est plus probable que le risque porte sur la qualité des actifs. Par exemple le volume mondial des « leveraged loans » atteint 1 400 milliards de dollars, dont une majorité a été consentie à des entreprises soutenues par des fonds de private equity. Certaines d'entre elles sont fortement endettées, à 5-7 fois l’Ebitda, si bien que le ralentissement voire l’arrêt de leur activité menacerait sérieusement leur solvabilité.

 

Des opportunités apparaissent-elles sur les marchés de taux ?

Les dégagements systématiques se traduisent par des valorisations extrêmes. Les obligations à court terme d’établissements bancaires ont notamment fait l’objet de ventes massives pour la simple raison qu’elles constituent une portion liquide du marché, et certaines obligations d’échéance 1 ou 2 ans dans ce segment présentent des rendements compris entre 5 et 7 %. Ce sont là des niveaux extrêmement alléchants et certaines de ces obligations sont en fait les meilleurs actifs à détenir dans les circonstances actuelles.

Une récession brutale mais brève se profile. Les perturbations pourraient durer de 3 à 6 mois puis nous devrions commencer à assister à une reprise. Si cela s’avérait être le cas, les marchés pourraient effectivement sembler peu onéreux globalement à l’heure actuelle. Il importe toutefois d’être sélectif et prudent. En particulier, à supposer que la récession se révèle plus longue, la faible valorisation actuelle de certaines entreprises importe peu, car elle finira par atteindre zéro, et les taux de recouvrement dans le cas d’autres entreprises seront très faibles.

Les précisions apportées sur l’ampleur du soutien des pouvoirs publics nous permettront de mieux savoir où se situent les plus grands risques et les meilleures opportunités.

 

Quels sont les segments les plus intéressants du marché obligataire ?

Les États ne vont pas faire faillite et il est probable que les banques centrales « monétisent » la dette publique, si bien que les emprunts d’État continueront à apporter une protection du capital mais moyennant de faibles rendements. Il serait tentant de faire le plein d’obligations à haut rendement mais ce choix imposera une approche prudente et un accent sur la sélection de sorte à dissocier les risques courants des opportunités. Les taux de défaut vont augmenter et des obligations seront rétrogradées d’Investment Grade en catégorie spéculative. Certaines entreprises prendront les mesures appropriées pour consolider leur bilan, d’autres devront se restructurer.

L’ampleur du « repricing » que connaît le marché, y compris en dehors du secteur de l’énergie, fait naître des opportunités. Il serait toutefois difficile d’affirmer sur-le-champ que le marché dans son ensemble offre un potentiel manifeste, et les investisseurs doivent se méfier de la facilité de se laisser aller à une exposition passive au marché du haut rendement. Indiscutablement, une approche « bottom-up » sélective s’impose pour exploiter les opportunités qui se présentent.

 

Qu’en est-il de la dette titrisée ?

Nous restons d’avis que le secteur de la consommation aux États-Unis est en meilleure posture que celui des entreprises. Certains secteurs vont devenir plus vulnérables à mesure de l’augmentation du chômage. Lorsque des magasins ferment, les salariés sont mis en congé d’office ou licenciés, et les revenus baissent. Cela étant, les abus sur le marché des prêts immobiliers ont disparu et les actifs sont de bien meilleure qualité. Nous restons enclins à penser que ce segment est plus intéressant que le secteur à haut rendement lourdement endetté de l’énergie.

 

 

Le contenu de ce site est destiné aux particuliers et aux investisseurs non professionnels.

Ce document exprime les opinions du gérant ou de l'équipe citée et ne représente pas nécessairement les opinions formulées ou reflétées dans d’autres supports de communication, présentations de stratégies ou de fonds de Schroders.

Ce document n’est destiné qu’à des fins d’information et ne constitue nullement une publication à caractère promotionnel. Il ne constitue pas une offre ou une sollicitation d’achat ou de vente d’un instrument financier quelconque. Il n’y a pas lieu de considérer le présent document comme contenant des recommandations en matière comptable, juridique ou fiscale, ou d’investissements. Schroders considère que les informations contenues dans ce document sont fiables, mais n’en garantit ni l’exhaustivité ni l’exactitude. Nous déclinons toute responsabilité pour toute opinion erronée ou pour toute appréciation erronée des faits. Aucun investissement et/ou aucune décision d’ordre stratégique ne doit se fonder sur les opinions et les informations contenues dans ce document.

Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Les cours des actions ainsi que le revenu qui en découle peuvent évoluer à la baisse comme à la hausse et les investisseurs peuvent ne pas récupérer le montant qu’ils ont investi.

Les prévisions contenues dans le présent document résultent de modèles statistiques, fondés sur un certain nombre d'hypothèses.

Elles sont soumises à un degré élevé d'incertitude concernant l'évolution de certains facteurs économiques et de marché susceptibles d'affecter la performance future réelle. Les prévisions sont fournies à titre d'information à la date d'aujourd'hui. Nos hypothèses peuvent changer sensiblement au gré de l'évolution possible des hypothèses sous-jacentes notamment, entre autres, l'évolution des conditions économiques et de marché. Nous ne sommes tenus à l'obligation de vous communiquer des mises à jour ou des modifications de ces prévisions au fur et à mesure de l'évolution des conditions économiques, des marchés, de nos modèles ou d'autres facteurs.

Ce document est produit par Schroder Investment Management (Europe) S.A., succursale française, 1, rue Euler, 75008 Paris, France.

Authors

Philippe Lespinard
Directeur de la gestion obligataire

Thèmes

Coronavirus
réserve fédérale
obligations
crédit
analyses de marché
Perspectives
Philippe Lespinard
crédit titrisé
Contacter Schroders

Schroders est un acteur majeur de la gestion d'actifs pour compte de tiers, spécialisé dans la gestion active sur l'ensemble des classes d'actifs et des zones géographiques.

Schroder International Selection Fund est dénommé Schroder ISF dans ce site.

Nous aimerions vous annoncer que, à partir du 27 juin 2018, Schroder Investment Management (Luxembourg) S.A. (« SIM Lux ») change de nom et devient Schroder Investment Management (Europe) S.A. (« SIM Europe »).

Informations fournies à titre d’illustration uniquement et ne constituant pas une recommandation d’investissement dans les titres/secteurs/pays susmentionnés.

Ce nouveau nom reflète la place grandissante que tient le Luxembourg en tant que centre d'affaires européen pour Schroders, ainsi que les nouveaux agréments obtenus qui nous permettent de continuer de commercialiser et d’offrir à nos clients de l’EEE des stratégies d’investissement développées à l’international.

Veuillez noter que l’entité juridique du Luxembourg, avec laquelle les clients, distributeurs et autres tiers opèrent contractuellement reste inchangée et que tous les contrats en cours conclus auprès de SIM Lux demeurent pleinement applicables.

Pour toute question portant sur cette note, veuillez écrire à simeucsm@schroders.com.