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Financement d’infrastructures : Retour vers le futur ?

Le point de vue très personnel (et forcément subjectif) de ce qui distingue un acteur du financement d’infrastructures européennes en 2020 par rapport à 2008

08/04/2020
infra2008

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Jérôme Neyroud
Head of Infrastructure Debt

Ces derniers jours, la même question m'a été posée à maintes reprises. Par des amis. Des clients. Des collègues qui étaient adolescents en 2008 : « La situation actuelle est-elle pire ou meilleure qu’en 2008 » ?

Flash-back. Je suis un banquier spécialisé en financement de projets. Il est lundi, tôt le matin,  en 2008,. J'écoute les informations : « Réunion urgente du ministère des finances pendant le week-end. La banque X est au bord de la faillite et a été renflouée par le gouvernement ». Au cours des mois suivants, je me rends à mon bureau, à la banque X et reste assis toute la journée, inactif, en attendant mon chèque de licenciement. La banque X a été renflouée mais n'est pas autorisée à conduire de nouvelles opérations.

Revenons en 2020. Je suis chez moi, à la table de la cuisine, en télétravail comme mes autres collègues chez Schroders. Mais je ne reste pas inactif. Je suis très occupé par le PCA (Plan de continuité de l’activité), la GCC (Gestion de crise du coronavirus), le SUP (Suivi urgent du portefeuille), la RTCA (Revue de transaction en cours d’achèvement), les NBO (« New business opportunities » en bon jargon) et je pourrais poursuivre la liste. Bref, je ne m’ennuie pas.

Qu'est-ce qui me rappelle le plus 2008 ? Les éléments de langage, les points de vue divergents, les appels au calme, la recherche d’experts rassurants, les expressions telles que « situation sans précédent » et « dans chaque crise se nichent des opportunités ».

 

Que peut-on dire du marché européen de la dette infrastructure ?

La cause immédiate de la crise de 2008 a été la paralysie et la crise de liquidité du système bancaire. Les « banquiers » ont été blâmés pour la promotion du « capitalisme financier » détruisant l'économie réelle ». Et en effet, de nombreuses entreprises ont été mises à genoux par manque de soutien financier. Le secteur des infrastructures n'a pas été épargné, mais il a moins souffert que d'autres. Certaines transactions ont été reportées, d'autres ont été réévaluées, certains banquiers ont perdu leur emploi. Mais la « vraie vie » pouvait continuer (presque) normalement dans le monde des infrastructures. Le secteur a même bénéficié d'un soutien keynésien par  d'importantes dépenses publiques dans de grands projets d'infrastructure. Le secteur du  financement d’infrastructures a pansé ses plaies et a été obligé de se réinventer. 2008 a été l’épisode du « coronavirus de la dette infrastructures » : certains ont été tués (Lehman Brothers) mais, selon la théorie de Darwin, les autres se sont  adaptés pour survivre. Le secteur a développé des anticorps contre la crise et a construit un nouveau système immunitaire. Le vaccin est venu des prêteurs non bancaires.

En 2008, les banques avaient une part de marché de 100 % dans le financement en dette des infrastructures. La hausse des marges et le retrait des banques des prêts à long terme ont incité de nouveaux acteurs à entrer sur le marché. En premier lieu, les compagnies d'assurance ont sont entrés sur le marché pour remplir le vide laissé par les banques. En tant que futur ex-banquier en recherche « d’un nouveau challenge », j'ai eu la chance de me réinventer dans l'une de ces structures et de conclure la première transaction non bancaire en Europe au début de la décennie 2010. Dans la foulée, certaines sociétés de gestion ont (re)découvert les vertus des actifs privés et lancé des solutions d’investissement en dette infrastructures pour leurs clients (et j'ai eu de nouveau la chance de rencontrer les bonnes personnes et de m'engager dans un fantastique voyage chez Schroders). Ces nouveaux acteurs « institutionnels » doivent aujourd’hui résister à la tempête. Toutefois, certains facteurs me poussent à l'optimisme.

Ces investisseurs « institutionnels » ont dans leurs équipes d'anciens banquiers qui sont passés par la crise de 2008 et devraient être capables de garder la tête froide en période difficile. Par ailleurs, les investissements de ces acteurs (contrairement aux banques) ne reposent pas sur des engagements à court terme, à savoir le marché interbancaire et les dépôts des clients. Ils devraient donc être une source de financement plus stable et moins volatile. Si l’on regarde les États-Unis, où le marché institutionnel est historiquement beaucoup plus développé qu'en Europe, les marchés des placements privés (PP) se sont avérés beaucoup plus résistants que les marchés bancaires. Il a été dit que le marché américain du PP, contrairement au marché bancaire, n'a jamais été fermé. Compte tenu du montant de capitaux levés et non investis actuellement disponible sur le marché européen des fonds de dette infrastructures, il n'y a aucune raison de croire que le marché ne restera pas ouvert (la grande question étant évidemment celle de l’écartement des marges).

En résumé, la crise financière de 2008 a engendré la classe d’actifs de la dette infrastructures. « Chaque crise crée des opportunités ». Aujourd'hui, les emprunteurs européens d'infrastructures ne se tournent plus seulement vers les banques, mais aussi vers des sources de financement plus diverses et plus fiables : banques, compagnies d'assurance européennes, investisseurs directs américains et asiatiques, fonds d’investissement, gestionnaires d’actifs. L'offre de financement est donc en bien mieux orientée qu'en 2008.

Alors tout est bien qui finit bien ? Dans le monde du financement peut-être. Dans la vraie vie, probablement moins. Avec l'entrée en confinement de très nombreux pays, avec comme conséquence la mise en sommeil des libertés de circulation et de commerce dans l'intérêt de la santé publique, le PIB sera sévèrement touché. Nous ne savons pas encore combien de temps durera cette période et à quoi ressemblera la reprise : un V, un U ? Cette fois, les problèmes ne viendront pas d'un manque de financement, mais de la sous-performance des entreprises auxquelles nous prêtons.

 

Examinons les deux scénarios de reprise et la manière dont nous les envisageons et pouvons y faire face :

Scénario 1 - Reprise en V : chute drastique mais de court terme suivie d'un rebond rapide et fort. Les entreprises d'infrastructures seront confrontées à des problèmes de liquidité, mais il est peu probable qu'elles soient touchées par des problèmes de solvabilité. Les structures de dette en infrastructure prévoient généralement certains éléments de renforcement de la liquidité. Certaines bénéficieront de réserves financières (par exemple, des comptes de réserves permettant de faire face à la prochaine échéance de dette) nanties en faveur des prêteurs. Les emprunteurs peuvent également bénéficier de lignes de liquidité (généralement des lignes de crédit revolving fournies par les banques) pour faire face soit aux frais d’exploitation, soit aux échéances financières. Dans un scénario très extrême où le montant de liquidité constitué avant la crise  n'est pas suffisant, il pourrait y avoir un report des échéance. Mais dans un tel scénario, les emprunteurs resteraient solvables. Chez Schroder Aida, nous avons examiné avec soin les liquidités dont disposent nos emprunteurs et nous avons échangé avec eux pour évaluer la marge de manœuvre dont ils disposent. Cela devrait être suffisant pour que nos investissements dans la dette européenne puissent résister à une reprise en V.

Scénario 2 – reprise en U. Identique au scénario précédent mais avec un redressement qui prendrait beaucoup plus de temps (LA question étant : combien de temps avant le redémarrage ?). En effet, il y a une limite aux réserves de liquidités sur lesquelles une entreprise peut tenir alors que toute activité a cessé (3 mois, 6 mois, 9 mois, plus ?). Il est encore tôt pour y donner une réponse circonstanciée et personne n’a de boule de cristal. Cela dit, dans un tel scénario, la restructuration de la dette n'est pas à exclure. Elle consistera à maximiser les recouvrements. Pour ce faire, trois qualités sont essentielles : l'expérience, l'expérience et l'expérience, dont notre équipe ne manque pas.

Tout d’abord celle gagnée sur les champs de bataille :

Notre responsable des risques a connu plus de 35 ans de cycles de la dette infrastructures et a traversé la crise des caisses d'épargne US des années 80, la crise asiatique des années 90, la bulle Internet de 2001 et enfin la crise financière mondiale (2008) et celle de la dette souveraine européenne (2011). Le responsable de l’équipe (dette et equity) est reconnu pour son expertise en redressement d'entreprises. Nos gérants dette seniors ont dû faire face à des restructurations dans leur expérience bancaire passée.

En second lieu, l’expérience des négociations, la connaissance de soi et de ce qui peut se passer dans la tête d’un emprunteur :

Le dirigeant de l’équipe a été l'un des associés fondateurs d'un fonds infrastructures equity en 2008 et connaît parfaitement la psychologie d'un investisseur en capital en période difficile. Nos collègues de l'equity ont une expérience des fusions et acquisitions, et ils ont conseillé des actionnaires sur les plus grandes restructurations françaises de la décennie 2010. Leur réflexion sera extrêmement utile à l'équipe chargée de la dette. Nos gérants en dette senior (3 personnes ayant chacune commencé leur carrière en infrastructures dans les années 90) ont participé à des négociations de restructuration de dette, longues et difficiles mais réussies.

Enfin, l’expérience et l’expertise technique :

Notre responsable de la gestion des portefeuilles a dirigé  4 ans durant l’équipe restructuration et contentieux des portefeuilles d'infrastructure d'une grande banque. Il connaît toutes les techniques associées à une restructuration réussie, et peut également s'appuyer sur une équipe d'analystes pour la recherche et l'analyse des données. Nos gérants senior ont été largement impliqués dans la structuration et la négociation des accords de financement, ce qui leur permet d’identifier rapidement et en amont les clauses pouvant constituer un levier utile dans un processus de restructuration, le cas échéant.

 

Qu'est-ce qui a donc changé pour moi entre 2008 et 2020 ?

En 2008, j'étais banquier et je faisais partie du problème. J’ai aussi appris dans la douleur que ne pas se préparer est la meilleure façon de se préparer à échouer. En 2020, je suis chez Schroder Aida, nous sommes préparés. Et nous sommes prêts à faire partie de la solution.

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