La perturbation du transport maritime à Suez va-t-elle compromettre les espoirs de baisse des taux ?
David Rees examine l'impact de la récente perturbation du transport maritime sur l'inflation, les perspectives en matière de taux d'intérêt et les tendances de démondialisation.
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Les tensions géopolitiques croissantes au Moyen-Orient ont commencé à perturber les chaînes d'approvisionnement mondiales. À la suite des attaques menées par les rebelles houthis contre les navires traversant la mer Rouge en direction du canal de Suez et des principales économies mondiales, les grandes compagnies maritimes ont annoncé des retards importants dans les livraisons. Les images satellites montrent que pratiquement aucun navire à destination des principaux ports européens, des États-Unis et du Royaume-Uni ne passe actuellement par la mer Rouge, mais qu'ils contournent plutôt l'Afrique australe.
Les navires destinés aux principales économies mondiales évitent la mer Rouge
Source - LSEG, 4 janvier 2024. Vert – Vraquiers, Orange/Jaune – Navires-citernes, Bleu – Conteneurs, Rose – Autres navires
Cette nouvelle perturbation fait suite aux problèmes rencontrés par le canal de Panama, où la sécheresse associée au changement climatique et les variations des précipitations dues à El Niño, ont entraîné une baisse du niveau de l'eau. Pendant ce temps, en Europe, les intempéries ont causé une hausse du niveau du Rhin, une voie de navigation clé pour les fabricants allemands. Enfin, avec les élections à venir à Taïwan présentant un risque de répétition des exercices militaires chinois qui ont perturbé les routes maritimes asiatiques en 2022, il semble que les chaînes d'approvisionnement mondiales soient confrontées à une conjonction de risques préoccupante.
Ces événements évoquent des souvenirs douloureux des problèmes de chaîne d'approvisionnement survenus pendant la pandémie de Covid-19. Ces problèmes ont contribué à la récente flambée de l'inflation, forçant ainsi les banques centrales mondiales à augmenter agressivement les taux d'intérêt. Les marchés anticipent désormais des baisses de taux d'intérêt importantes en Europe, au Royaume-Uni et aux États-Unis, certaines étant prévues dès la première moitié de 2024.
Cela soulève la question de savoir si de nouveaux problèmes de chaîne d'approvisionnement risquent d'entraîner une augmentation de l'inflation, obligeant ainsi les décideurs politiques à revoir leurs perspectives.
La durée des perturbations actuelles jouera un rôle déterminant, mais au moins trois différences majeures dans le contexte économique mondial suggèrent que les problèmes en mer Rouge ne devraient pas entraîner une augmentation significative de l'inflation.
Premièrement, les conditions de la demande sont maintenant beaucoup plus faibles. Alors que des mesures de relance monétaire et budgétaire considérables ont stimulé l'économie mondiale après la perturbation initiale causée par la pandémie mondiale, la croissance ralentit désormais. Nous prévoyons une croissance mondiale du PIB de seulement 2,5% cette année et l'année prochaine. La zone euro est probablement déjà en récession, le Royaume-Uni connaît une faible croissance et l'activité aux États-Unis ralentit.
Deuxièmement, alors que les mesures de confinement visant à contenir la propagation du Covid-19 ont entraîné une concentration de la demande dans le secteur des biens pendant la pandémie, les habitudes de consommation sont désormais beaucoup plus équilibrées. En effet, la réouverture des économies a conduit la demande à se réorienter vers les services au cours des dernières années, laissant le secteur manufacturier mondial en récession.
Troisièmement, l’offre à l’échelle mondiale se porte également beaucoup mieux mondiale. Contrairement aux périodes de confinement successives qui ont entraîné une fermeture totale de la production pendant la pandémie, de telles perturbations n'existent plus aujourd'hui. Les détours autour de l'Afrique australe allongeront les délais de livraison, mais les marchandises arriveront toujours à destination, suggérant ainsi que les pénuries massives sont peu probables. En fait, les récentes données commerciales de la Chine indiquent une croissance des exportations beaucoup plus rapide en volume qu'en valeur, ce qui suggère que les entreprises, du moins dans certains secteurs, doivent consentir des rabais sur les prix pour éliminer leurs capacités excédentaires.
La demande de biens est faible alors que l’offre est abondante
Risques pour l'approvisionnement en matières premières
Un risque plus immédiat pour l'inflation mondiale serait que les tensions au Moyen-Orient commencent à affecter l'approvisionnement en matières premières, en particulier en faisant grimper les prix de l’énergie. C’est quelque chose que nous avons commencé à suivre dans la dernière mise à jour de nos prévisions où, en termes de Crises géopolitiques, nous prévoyons, en plus des frictions commerciales, une intensification des tensions dans la région qui ferait grimper les prix du pétrole jusqu'à 120 dollars le baril.
Notre simulation a fait basculer l'économie mondiale dans une situation de stagflation, les coûts énergétiques plus élevés faisant augmenter l'inflation, avec le risque d'effets secondaires (étant donné les marchés du travail tendus) pesant sur la croissance et obligeant les banques centrales à abandonner les baisses de taux et peut-être même à les augmenter davantage.
Jusqu’à présent, cependant, les prix du pétrole se sont bien comportés, le brut Brent étant resté pratiquement inchangé à un peu moins de 80 dollars le baril.
Une flambée des prix du pétrole pousserait l'économie mondiale vers une situation de stagflation
Le dernier incident survenu dans les routes maritimes sert a minima de rappel supplémentaire sur les risques liés à la dépendance envers des chaînes d'approvisionnement longues dans un monde de plus en plus agité. Par conséquent, la réorganisation des chaînes d'approvisionnement mondiales, qui constitue un pilier essentiel du 3D reset, semble vouée à se poursuivre.
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