Le «recâblage» d’une économie et ses implications pour les investisseurs
Ceux qui sont prêts à creuser la question et à explorer un aspect moins séduisant de la transition énergétique pourraient découvrir de nombreuses opportunités d'investissement dans le réseau électrique.
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La pandémie et la guerre en Ukraine ont testé les limites de toutes les chaînes d'approvisionnement. De la même manière, nous nous attendons à ce que les risques d'un changement climatique non contrôlé focalisent l’attention sur une autre chaîne d'approvisionnement vitale pour notre quotidien et le bon fonctionnement des entreprises, à savoir les réseaux électriques.
Les câbles haute tension sont au cœur de ces réseaux, comme ceux qui sont actuellement installés dans des tunnels de trois mètres de diamètre spécialement construits jusqu'à 50 mètres de profondeur sous les rues de Londres. J'ai récemment visité les « London Power Tunnels » pour constater les grands progrès réalisés.
L’installation de câbles de ce type sera essentielle pour répondre à une augmentation spectaculaire de la demande d'électricité induite par l’électrification des systèmes de chauffage et de transport à base de combustibles fossiles au cours des dix prochaines années. La modernisation des réseaux est également devenue une priorité de sécurité nationale, l'invasion de l'Ukraine ayant mis en évidence la dépendance dangereuse de l'Europe vis-à-vis du gaz russe.
Si les tunnels sont peut-être l'un des plus grands programmes d'investissement de Londres à l'heure actuelle, ils ne sont qu’un aspect d'un projet bien plus ambitieux de refonte en profondeur de l'ensemble du réseau électrique britannique, nécessitant des dizaines de milliards de livres d'investissement.
Forte augmentation des besoins d'investissement dans le réseau
Ces développements créent d'importantes opportunités de croissance pour les investisseurs. Bien que potentiellement moins photogénique que les vastes parcs éoliens actuellement en construction au large des côtes est de l'Écosse et de l'Angleterre, le réseau est tout aussi vital pour la transition énergétique en cours.
Et il faut admettre que les London Power Tunnels sont un exploit d'ingénierie.
Les pays à travers le monde se pressent pour atteindre des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre à zéro émission nette afin d'éviter un réchauffement climatique non maîtrisé, et la « décarbonation » des réseaux sera une condition nécessaire pour atteindre ces objectifs.
Les réseaux devront non seulement suivre le rythme de la croissance de la demande d'électricité, mais aussi connecter toutes les nouvelles sources d'énergie renouvelables qui seront exploitées au cours de la prochaine décennie. Cela signifie qu'une gamme complète de nouveaux équipements sera nécessaire, des postes d’interconnexion aux batteries à grande capacité de stockage, ces dernières permettant de gérer la nature intermittente des énergies renouvelables.
Un réseau alimenté par des énergies renouvelables aura également des propriétés fondamentalement différentes de la configuration existante basée principalement sur des turbines à gaz. Par conséquent, des investissements seront également nécessaires dans les technologies pour maintenir la stabilité du système.
Ainsi, l'Agence internationale de l'énergie prévoit que 1 dollar consacré aux énergies renouvelables exigera bientôt un investissement de 1 dollar dans le réseau (contre 70 cents dans le passé), soit environ 800 milliards de dollars par an dans le monde après 2030.
Le Royaume-Uni poursuit des objectifs ambitieux en matière de décarbonation
Certes, le Royaume-Uni a l'ambition de raccorder la production d'énergies renouvelables, le gouvernement actuel s'étant engagé à décarboner le système électrique d'ici 2035 et le Parti travailliste visant l’échéance encore plus ambitieuse de 2030.
Le réseau britannique a été construit en grande partie dans les années 1960 et a été conçu pour transporter l'électricité des grandes centrales nucléaires et à charbon, généralement situées dans le nord de l'Angleterre, vers les zones où la demande d'électricité est plus forte dans le sud du pays.
Il devra désormais s'adapter aux grands parcs éoliens offshore éloignés, ainsi qu'à une multitude de projets «décentralisés» d’énergie solaire ou de stockage par batteries, y compris des installations à petite échelle – au niveau de la distribution – chez les particuliers et dans les entreprises.
Le nombre annuel de demandes de raccordement au réseau de transport a été multiplié par dix environ par rapport à il y a cinq ans (voir graphique ci-dessous).
Le National Grid Electricity System Operator (ESO), organisme chargé de la gestion du réseau, estime que la demande d'électricité au Royaume-Uni devrait croître d'environ 50% d'ici 2035 et pourrait doubler d'ici 2050, sous l'effet de la décarbonation du chauffage et des transports.
Les demandes de raccordement sont donc en forte augmentation et les projets d'énergies renouvelables se voient apparemment proposer des échéances pouvant aller actuellement jusqu’à 2037 ou au-delà.
Pour atteindre l'objectif du gouvernement britannique d’insérer dans le réseau une production éolienne offshore de 50 GW d'ici 2030, National Grid – la plus importante des trois sociétés de transport d’électricité au Royaume-Uni, détenant et exploitant les lignes à haute tension, y compris le projet London Power Tunnels – devra accroître considérablement ses investissements.
Le groupe devra fournir au moins cinq fois plus de lignes terrestres de transport d’électricité au cours des sept prochaines années qu'au cours des 30 dernières années et installer quatre fois plus de câbles sous-marins qu'il ne possède actuellement.
Dans de nombreux cas, l'ampleur des investissements requis dans les réseaux dépasse donc les capacités de financement des entreprises individuelles. C'est en partie la raison pour laquelle la compagnie écossaise SSE, l'autre des deux sociétés cotées britanniques qui gèrent le réseau de transport aux côtés de l’Espagnol Iberdrola, a récemment vendu 25% de son activité de transport d'électricité à un fonds de pension canadien.
Les promoteurs de projets d’énergie à faible émission de carbone et renouvelable (éolien, solaire, nucléaire, hydrogène-énergie et captage du carbone) et les opérateurs de réseaux de distribution, qui possèdent la partie du réseau reliant les lignes haute tension aux logements et aux entreprises, devront investir également.
Des investissements supplémentaires dans le réseau de distribution seront nécessaires, bien que moins importants que pour le réseau de transport, pour alimenter les bornes de recharge des véhicules électriques, les pompes à chaleur et les petites installations décentralisées d'énergie solaire et de stockage par batteries.
L'investissement dans ces dernières permettra aux consommateurs d'énergie de mieux gérer l'intermittence des énergies renouvelables et/ou de revendre l'électricité au réseau à certains moments.
Rechercher les opportunités offertes par la transition énergétique
National Grid prévoit d'investir jusqu'à 40 milliards de livres sterling dans le cadre de son plan quinquennal se terminant en 2026. Environ 29 milliards, soit plus de 70%, seront directement investis dans la décarbonation des réseaux énergétiques, répartis à parts égales entre les actifs des réseaux que le groupe possède au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Les besoins d'investissement pour les cinq prochaines années devraient être encore plus élevés. Cette période comprendra le lancement d'investissements dans 26 projets d'importance stratégique sur le réseau, dont un certain nombre de nouvelles lignes à haute tension pour relier les parcs éoliens offshore, qui devraient être mis en service et dont le raccordement au réseau est essentiel pour la réalisation de l'objectif de 50 GW du gouvernement.
D'autres investissements pour accueillir le ScotWind (la prochaine phase des projets éoliens offshore écossais) et les projets éoliens offshore en mer d’Irlande n'ont pas encore été évalués.
La modernisation du réseau britannique est une tâche énorme, mais les préoccupations en matière d'environnement et de sécurité entraîneront probablement des changements rapides. Elle devrait également créer de nombreuses opportunités d'investissement pour ceux qui souhaitent creuser et explorer cet aspect moins séduisant de la transition énergétique.
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