Les investisseurs en Private Equity européen doivent-ils s'inquiéter ?
Schroders Capital a étudié chaque épisode de crise financière importante depuis 2008. Les données suggèrent que les investisseurs dans le Private Equity européen peuvent rester sereins.
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Alors que les perspectives économiques se dégradent, de nombreux investisseurs réévaluent leur allocation d'actifs. Mais depuis 2008, presque chaque année a été marquée par une crise pour les investisseurs en Private Equity européen, certaines d’origine locale et d’autres à l'échelle mondiale : la Grande crise financière, la crise de la dette dans la zone euro, l'annexion de la Crimée par la Russie, le Brexit, les menaces pesant sur le commerce mondial, le Covid, etc.
Pourtant, les investisseurs en Private Equity européen ont enregistré des rendements à deux chiffres sur absolument chaque millésime durant cette période (figure 1), quelles que soient la situation économique européenne et l’orientation des marchés mondiaux, y compris en récession.
Les performances des dernières années sont moins probantes, car les fonds n'ont pas encore atteint leur maturité, mais entre 2008 et 2017, les investisseurs ont obtenu un taux de rendement interne moyen de 16 % par an et ont récupéré 1,8 fois leur argent en moyenne. Cela a largement dépassé la croissance du PIB.
L'une des raisons pour lesquelles la performance a été si résiliente est que les fonds de Private Equity bénéficient d'une « diversification dans le temps ». Le capital est déployé sur plusieurs années, plutôt qu’en une seule fois. Cela réduit la sensibilité aux événements de marché et ne permet pas une allocation du capital fondée sur le concept de market timing. De même, les investisseurs en Private Equity sont des détenteurs d'actifs à long terme, qui ne sont pas soumis à la pression de vendre si les conditions de marché ne sont pas propices à la maximisation des rendements.
Les périodes de récession, considérées par les investisseurs comme peu propices à l’allocation au Private Equity, ont au contraire été plutôt favorables à ce segment. L’explication est simple : durant les périodes difficiles, les fonds peuvent acquérir des actifs décotés du fait de la récession, qui sont ensuite sortis durant la phase de reprise lorsque les valorisations augmentent. Même si les années 2022 et 2023 constituent des environnements de marché peu favorables aux sorties d’actifs, cette période pourrait offrir des opportunités intéressantes pour identifier des entreprises prometteuses à des valorisations plus attractives.
Par ailleurs, il existe de nombreux moteurs de création de valeur qui vont bien au-delà de la croissance économique ou sectorielle au niveau national ou européen, comme par exemple, les fusions-acquisitions/consolidations, l'innovation technique, la professionnalisation et les modèles économiques axés sur l'export. Ces facteurs peuvent générer de la valeur même dans un contexte macroéconomique difficile.

Mais l'effet porteur de l’augmentation de l'endettement et de la baisse des coûts d'emprunt s’estompe.
L'un des facteurs favorables au cours de cette période a été la dette bon marché et facilement levée. Cela a permis de générer des rendements élevés sur des opérations à fort effet de levier, en particulier lorsqu'ils s'accompagnent d'une hausse des multiples de valorisation. Pour l'avenir, cette tendance devrait s'inverser. La dette coûtera beaucoup plus cher et les niveaux de levier seront plus faibles, parce que d’une part les capitaux seront moins abondants et que d’autre part la hausse des coûts d'intérêt rendront ce type de financement moins attractif.
En revanche, du fait de la baisse des valorisations, l'acquisition d'une entreprise coûte moins cher qu'il y a 12 mois. En outre, la diminution de prix nécessaire pour compenser un niveau de levier plus faible à niveau de rendement égal est moins importante qu'on ne le pense. Une baisse de 12,5 % pourrait suffire à compenser une diminution de l'effet de levier de 65 % à 50 % sans impacter les rendements, toutes choses étant égales par ailleurs (voir exemple pratique).
Ce qui change est que les types de stratégies qui semblent voués à réussir pourraient être relativement différents de ceux qui ont fait leurs preuves au cours de la dernière décennie. Sachant que l'effet de levier et la hausse des multiples pourraient ne plus doper les rendements, les stratégies axées sur la croissance du chiffre d'affaires et l'amélioration des marges bénéficiaires pourraient se révéler payantes.
Par exemple, l'expansion des gammes de produits ou de l'empreinte géographique, et la professionnalisation de la direction pour améliorer les marges bénéficiaires. Ces approches sont plus faciles à appliquer pour les petites et moyennes entreprises, généralement familiales. Dans les grandes entreprises, qui ont souvent fait l'objet de plusieurs cycles de financement au travers du Private Equity ou qui ont un actionnariat institutionnel, il est beaucoup plus difficile de créer de la valeur de cette manière.
Les stratégies buy and build sont également bien positionnées pour tirer leur épingle du jeu, car elles offrent des opportunités d'acheter de petites entreprises, de les faire croître, d'en améliorer la rentabilité, puis de les vendre avec une prime de valorisation équivalente à celle obtenue pour une grande entreprise.
Exemple concret :
Supposons que la valeur d'une entreprise augmente de 8 % par an. Si elle vaut 100 M€ le jour 1, elle vaudra donc 146,9 M€ au bout de 5 ans (pour les besoins de cette analyse, cette croissance peut indifféremment provenir du chiffre d'affaires, des marges ou de l'expansion des multiples). Supposons que vous sortez cet actif à cette valeur.
Si l'achat est financé à 65 % par la dette, cela couvre 65 M€, l'investisseur en capital apportant les 35 M€ restants. Après 5 ans, la part de l'investisseur en capitaux propres vaut le prix de vente, net de l'encours de dette qui, pour simplifier, est toujours de 65 M€. Il encaisse donc 81,93 M€, soit un rendement annualisé de 18,5 % sur son investissement initial de 35 M€.
Mais que se passe-t-il si, dans le nouvel environnement actuel, vous ne pouvez obtenir que 60 % de financement par emprunt, ou 55 %, voire moins ? Le graphique 2 montre la baisse du prix d'achat qui serait nécessaire pour que votre rendement soit le même que dans le premier cas. Cela suppose que vous pouvez encore vendre l’actif pour la même valeur projetée de 146,9 M€ dans 5 ans. Par exemple, si un financement par emprunt de seulement 50 % était disponible, le prix d'entrée devrait baisser de 12 % pour que les investisseurs obtiennent toujours un rendement de 18,5 %. Cette baisse de prix n’est peut-être pas aussi importante que ne l'anticipent beaucoup de gens.

Qu'en est-il du risque d'inflation ?
L'autre préoccupation de nombreux investisseurs est l'inflation. Les tensions sur le marché du travail, les perturbations persistantes des chaînes d'approvisionnement et la guerre en Ukraine ont toutes contribué à la flambée des prix. Il s'agit d'un problème mondial qui affecte toutes les classes d'actifs, tant les actions que les obligations, les marchés publics que les marchés privés. Le Private Equity n'est pas à l'abri. Outre son impact sur l'endettement, comme décrit ci-dessus, l’inflation affectera la rentabilité de nombreuses entreprises du fait de l’augmentation de leur base de coûts.
Cependant, toutes ne souffriront pas. Celles qui sont capables de répercuter la hausse des coûts sur les prix résisteront mieux. En revanche, celles qui sont moins bien positionnées sur le marché ou dont les produits et services sont plus facilement substituables seront confrontées à des difficultés. Dans les années à venir, c’est sur ce point que se distingueront les entreprises gagnantes tout comme les investisseurs en Private Equity performants.
Conclusion
Les investisseurs en Private Equity européen ne doivent pas craindre un ralentissement économique. Il y a toujours des problèmes en Europe comme dans d'autres régions du monde, et pourtant les rendements restent solides quelles que soient les circonstances. L'effet positif des taux d'intérêt bas va sans doute s'estomper, mais l’opportunité d'acheter des entreprises à des prix moins élevés contribuera à compenser ce phénomène. Les fonds axés sur les petites et moyennes entreprises semblent particulièrement bien positionnés pour affronter la période à venir.
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