Perspectives 2022 : Crédit mondial
Les investisseurs en crédit sont confrontés à une phase plus nuancée à l’approche de 2022. Les fondamentaux sont solides, mais les valorisations sont élevées et les incertitudes s’accumulent.

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Les obligations d’entreprise affichent des gains considérables depuis le choc de mars 2020 causé par la Covid-19. Les créances d’entreprise à haut rendement sont en hausse de plus de 25 %. Le soutien des banques centrales et des pouvoirs publics, suivi de la découverte de vaccins fin 2020, et de la réouverture et du rebond accéléré de l’activité économique, sont autant d’éléments qui se sont conjugués pour permettre une reprise vigoureuse.
Nous entamons toutefois une phase plus mature et nuancée du cycle de reprise. Les fondamentaux sont solides, l’activité économique et la demande des ménages demeurent bien orientées, mais les valorisations sont élevées et un degré d’incertitude entoure l’inflation, le processus de normalisation de la politique monétaire et la Covid-19.
Julien Houdain, Responsable Crédit Europe, indique : « Les conditions macroéconomiques, la pression exercée par les coûts de production et les valorisations tendues avec une faible dispersion sont difficiles à gérer. Nous anticipons une tendance volatile en 2022 et des performances modérées, tirées par les rendements. La clé consistera à identifier des opportunités de surperformance relative, en particulier les secteurs et les entreprises capables de protéger leurs marges contre la hausse de l’inflation. Un cycle arrivant à maturité introduit un risque accru de mesures excessivement favorables aux actionnaires ce qui peut potentiellement avoir un effet négatif sur le crédit. »
Les conditions économiques restent favorables mais sont plus incertaines
La Réserve fédérale (Fed) a entamé le processus de réduction de son programme d’achats d’actifs, qu’elle entend mener à un rythme relativement progressif. Le problème est que les indices d’inflation affichent leurs niveaux les plus élevés depuis dix ans.
Rick Rezek, Gérant de portefeuille Global Credit, déclare : « Certaines des pressions inflationnistes actuelles semblent temporaires. L’inflation totale devrait finir par se rapprocher des objectifs des banques centrales. Cela étant, plus l’inflation reste élevée, plus la Fed sera mise sous pression, attisant potentiellement la nervosité des marchés. Le risque le plus important est que les pressions inflationnistes poussent les banques centrales à durcir leur politique plus rapidement que prévu, même si ce n’est pas notre scénario central.
« Même avec le retrait des mesures de soutien de la Fed, les conditions monétaires resteront accommodantes et le retrait des liquidités n’est pas un risque majeur pour le crédit, à moins qu’il ne provoque un ralentissement de la croissance. Les fondamentaux de l’économie américaine sont résolument sains, notamment la consommation et la demande finale, l’épargne des ménages affichant de bons niveaux. C’est là une toile de fond favorable au crédit. En revanche, la dynamique ralentit et les valorisations ne reflètent quasiment aucune actualité négative potentielle. »
Les autres défis potentiels sont notamment l’évolution du marché du travail aux États-Unis, où les entreprises peinent à pourvoir des postes vacants alors que les plus de 55 ans choisissent de ne pas reprendre un emploi. De même, l’inflation, et en particulier les prix du carburant, pourrait impacter la consommation.
L’émergence du variant Omicron met clairement en évidence le risque toujours important lié à la Covid-19. De nouvelles restrictions sont imposées dans certaines régions d’Europe, tandis que le taux de vaccination aux États-Unis reste relativement faible, aux alentours de 50 %.
Évoquant les risques macroéconomiques, Julien Houdain ajoute : « Outre la Covid-19, l’inflation et la politique monétaire, nous sommes très attentifs au ralentissement en Chine, laquelle, malgré les difficultés actuelles, devrait tout de même enregistrer une croissance honorable en 2022. Nous sommes un peu plus optimistes en ce qui concerne les marchés émergents. Un certain nombre d’économies émergentes ont déjà considérablement souffert et ont sensiblement durci leur politique en réponse à l’inflation, de sorte que le contexte politique pourrait devenir un peu plus favorable. »
Angus Hui, Responsable de la gestion Crédit asiatique et des marchés émergents, indique : « Les risques systématiques liés au secteur immobilier chinois devraient rester contenus, sachant que les banques chinoises sont peu exposées. Nous anticipons une bifurcation du marché immobilier et une consolidation. Certains promoteurs ne survivront pas et d’autres défauts sont probables, mais certains émetteurs en difficulté pourraient rebondir fortement s’ils sont en mesure de se financer sur le marché national ou de vendre des actifs. Le marché s’attend à ce que 30 % des promoteurs chinois classés dans la catégorie haut rendement fassent défaut au cours des 12 prochains mois, ce qui semble pessimiste.
« Les économies asiatiques continuent à se remettre de la pandémie, en particulier dans le sud-est. La région reste bien placée compte tenu de sa vulnérabilité relativement faible à la hausse des prix des matières premières et au durcissement de la politique américaine, d’une croissance intérieure résiliente, de banques centrales proactives et d’une faible dépendance à la dette extérieure. »
Le secteur des entreprises est solide, mais connaît des difficultés
Le rebond des résultats des entreprises depuis mars 2020 s’est traduit par une nette consolidation des bilans, soutenant largement les marchés du crédit. Toutefois, la marge de manœuvre pour une nouvelle amélioration devrait être limitée désormais.
Le principal défi pour les entreprises cette année consistera à protéger leurs marges contre la pression des coûts, tandis que la tendance en faveur de mesures plus favorables aux actionnaires pourrait compromettre la solidité des bilans.


Julien Houdain précise : « Les bénéfices pourraient rester bien orientés à moyen terme, sur des bases de comparaison favorables sur un an, mais l’impulsion donnée par la réouverture s’essouffle désormais. Il sera essentiel de voir si les entreprises parviennent à résister à la hausse des coûts de production, de la main-d’œuvre aux matières premières, et si elles seront en mesure de la répercuter sur leurs prix. C’est déjà le cas pour certains constructeurs automobiles et producteurs de matériaux.»
Pour Martha Metcalf, Responsable des stratégies sur le Crédit américain, « les fondamentaux des entreprises sont sains et leur éventuelle détérioration se produira à partir de niveaux très solides. L’écart entre les performances est susceptible de s’accroître en raison notamment de l’inégale capacité des entreprises à faire face à la hausse des coûts de production. D’où une plus grande opportunité en matière de sélection de titres par rapport aux dernières années, marquées par des marchés porteurs.
« Le cycle de notation devient de plus en plus positif, en particulier dans le segment du haut rendement. L’amélioration du ratio rehaussement/abaissement de notation soutient le marché, de même que la tendance aux « étoiles montantes » portée par un nombre croissant d’« anges déchus » rétrogradés en 2020 et qui retrouvent désormais leur place dans la catégorie Investment Grade. Ce processus est bien avancé aux États-Unis, mais l’Europe devrait commencer à rattraper son retard. »

Saida Eggerstedt, Responsable Crédit durable, indique : « Les engagements plus fermes affichés dans différentes parties du monde lors de la COP 26 montrent que la communication et les objectifs en matière d’environnement et de climat deviennent un élément central dans la planification financière des entreprises. Les marchés ont pris des initiatives soutenant les facteurs sociaux en 2021, avec notamment la politique de « prospérité commune » en Chine et la nécessité de renforcer les relations avec les fournisseurs, mais la gouvernance (le G du sigle ESG) conservera une forte influence sur les spreads de crédit. Dans un contexte où nos clients et les régulateurs exigent plus de transparence sur les enjeux ESG, la croissance du volume d’obligations ESG, couplée à l’engagement, peut contribuer à différencier les entreprises à l’aune des facteurs de durabilité et d’impact social, et à identifier des entreprises qui s’améliorent sur ce plan. »
Poches de valeur en Asie, dans les marchés émergents et le haut rendement
Les valorisations des obligations d’entreprise de qualité (Investment Grade) sont relativement élevées mais elles sont bien soutenues et devraient rester stables, à condition que le « tapering » et l’ajustement des politiques monétaires se déroulent comme prévu. Les obligations américaines Investment Grade continuent d’offrir un rendement satisfaisant, en partie grâce à la hausse des rendements des bons du Trésor américain, ce qui suscite l’intérêt des investisseurs étrangers. Les rendements en Europe sont plus faibles, mais les spreads sont plus attractifs.

Les poches de valeur les plus attractives se situent toutefois en Asie, dans les marchés émergents et dans certains segments du haut rendement. Les spreads des créances européennes et américaines notées BB impliquent actuellement des taux de défaut moyens sur cinq ans de 3,7% et 1,9%, respectivement.
Le haut rendement est plus intéressant en Europe qu’aux États-Unis, sachant que le spread des créances européennes est inférieur à celui des créances américaines, ce qui est inhabituel. Ce phénomène pourrait tenir au fait que l’Europe est davantage exposée au ralentissement de l’économie chinoise, aux forces cycliques et aux problèmes que connaissent les chaînes d’approvisionnement, mais ces difficultés devraient commencer à se dissiper. Dans le détail, les spreads des titres BB en euros sont environ 3,5 fois ceux de la catégorie BBB, bien au-dessus des niveaux historiques.

Martha Metcalf ajoute : « Les tendances en termes de notation devraient rester favorables, les gains réalisés sur les étoiles montantes étant réinvestis dans le segment du haut rendement. Cela réduit également le risque global de duration ou de taux d’intérêt sur les obligations à haut rendement. Mais la patience s’impose en attendant que la dispersion s’accroisse et que les valorisations deviennent plus attractives. »
Les spreads des obligations à haut rendement des marchés émergents sont bien plus élevés que ceux des créances des marchés développés et la dispersion est plus importante, une proportion nettement plus grande de titres des marchés émergents affichant des spreads supérieurs à 600 voire même 800 points de base. D’où un plus large éventail d’opportunités au niveau des titres individuels.

Comme l’explique Angus Hui, « les valorisations du crédit Investment Grade asiatique sont soutenues par la stabilité et l’amélioration des fondamentaux, tandis que le segment du haut rendement offre de multiples opportunités en matière de sélection de titres. Nous identifions des opportunités dans le secteur des énergies renouvelables en Inde, tandis qu’en Indonésie, les valorisations des nouvelles émissions sont moins attractives. Certains secteurs en Chine sont confrontés à des risques liés aux mesures visant à réduire l’endettement, et nous sommes particulièrement sélectifs vis-à-vis des valeurs industrielles à haut rendement.
« Les spreads de crédit en Asie devraient se stabiliser au premier semestre 2022, mais ils pourraient ne pas converger vers les moyennes historiques, du moins à court terme, car les investisseurs restent prudents à l’égard des risques politiques liés à la Chine. »
Julien Houdain ajoute : « Nous anticipons une amélioration globale des fondamentaux des entreprises émergentes et une possible stabilisation au niveau macroéconomique, mais la situation varie selon les cas. »
Saida Eggerstedt relève des opportunités potentielles en Chine du point de vue de l’investissement durable : « La Chine doit rattraper son retard dans la décarbonation, après avoir été un moteur de croissance des années durant. Cela nécessitera des investissements à grande échelle dans l’ensemble de la chaîne de valeur. Les émissions d’obligations vertes et ESG se sont accélérées en 2021, mais principalement dans le secteur immobilier. En 2022, nous nous pencherons également sur les obligations ESG émises par d’autres secteurs comme les énergies renouvelables, qui permettront à la Chine de remplacer le charbon par des sources d’énergie durables, ou les fabricants de composants pour véhicules électriques. Sur le plan social, les obligations qui facilitent l’accès aux services de base seront appréciées par les adeptes de l’investissement à impact que nous sommes. »
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