Pourquoi la course aux subventions vertes est une situation « gagnant-gagnant » pour les investisseurs dans le domaine du climat
L’Europe et les États-Unis se disputent le leadership dans la fabrication de technologies énergétiques propres. Nous examinons leurs plans concurrents et ce qu’ils signifient pour les investisseurs en actions.
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La loi sur la réduction de l’inflation (IRA) adoptée l’année dernière est le texte législatif le plus important de l’histoire des États-Unis en matière de climat. Elle prévoit un financement de 369 milliards de dollars pour la transition énergétique, faisant des États-Unis le meilleur endroit au monde pour des investissements tels que la construction d’un projet d’énergie renouvelable ou la production d’hydrogène vert.
Il a également donné le coup d’envoi d’une nouvelle ère de concurrence dans le domaine des technologies propres. L’IRA ne vise pas seulement à stimuler la demande de technologies vertes telles que les énergies renouvelables et les véhicules électriques (VE), mais aussi à encourager les entreprises à fabriquer ces produits aux États-Unis en leur offrant de généreuses subventions.
L’Europe, qui est depuis longtemps un leader mondial en matière de politique climatique, risque désormais de voir les capitaux d’investissement et les talents se diriger vers la juridiction la plus attractive, ce qui pourrait mettre en péril ses propres plans de transition énergétique. Le mois dernier, l’Europe a présenté sa réponse à l’IRA, avec une déclaration de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, selon laquelle « l’Europe est déterminée à mener la révolution des technologies propres ». Qu’est-ce que l’Europe propose réellement ?
Qu’est-ce qui change en Europe ?
Il peut être difficile de comprendre comment les différentes annonces de l’UE s’imbriquent les unes dans les autres et ce qui est réellement nouveau.
- Le « Green Deal » (décembre 2019) a introduit l’objectif « net zéro » pour 2050, un objectif de réduction des émissions de 55 % d’ici à 2030 (par rapport à 1990), ainsi qu’un certain nombre d’initiatives et d’objectifs spécifiques à l’industrie, conçus pour ouvrir la voie vers le « net zéro ».
- Next Generation EU (décembre 2020) se veut une réponse directe aux dommages économiques causés par la Covid et comprend le « Fonds de relance et de résilience » qui affecte environ 250 milliards d’euros à des investissements verts.
- RePowerEU (mars 2022) est une réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et à la crise énergétique qui s’en est suivie, augmentant les objectifs de déploiement des énergies renouvelables pour 2030 et lançant un plan pour éliminer la dépendance au gaz russe. Son financement global s’élève à 288 milliards d’euros.
Le nouveau plan industriel du pacte vert s’appuie sur ce qui précède et repose sur quatre piliers principaux : la réglementation, le financement, le commerce et les compétences. Il reconnaît que l’Europe doit utiliser la politique industrielle pour s’assurer que l’UE dispose de la capacité industrielle nécessaire à la réalisation de l’objectif net zéro. Il vise également à soutenir les industries clés qui risquent de fuir vers les États-Unis en permettant aux États membres de s’aligner sur l’aide financière offerte ailleurs. Il veut réduire le rôle de la Chine dans la chaîne d’approvisionnement en délocalisant le traitement des matériaux des technologies propres à l’intérieur de l’Union, par le biais d’une loi sur les matières premières essentielles.
Surtout, il reconnaît que les progrès ont été trop lents jusqu’à présent et entend s’attaquer à certaines des causes, telles que les processus d’autorisation onéreux pour les énergies renouvelables et la pénurie des compétences. Il faut près de six ans pour mener à bien un projet éolien en Allemagne : il pourrait être très utile de s’attaquer à ces obstacles.
Qu’en est-il par rapport aux États-Unis ?
Le financement : Étant donné que les plans européens se chevauchent quelque peu, le financement disponible a été estimé entre 400 et 750 milliards d’euros. Bien que l’on ait reproché au plan industriel du pacte vert de n’offrir que peu de « nouveaux » financements, il semble qu’il y ait plus d’argent disponible pour les technologies propres en Europe qu’aux États-Unis dans le cadre de l’IRA. Toutefois, comme certains des crédits disponibles dans le cadre de l’IRA ne sont pas plafonnés, certains analystes ont suggéré que le véritable chiffre des subventions pourrait être plus proche de 800 milliards de dollars sur dix ans, plutôt que des 369 milliards de dollars annoncés.
Objectifs : L’UE et les États-Unis ont tous deux des objectifs de zéro émission nette en 2050. L’objectif de l’Europe en matière d’énergies renouvelables pour 2030 est de 70 %, contre environ 37 % aujourd’hui, tandis que le président Biden a annoncé un objectif de 80 % d’énergies renouvelables pour 2030, contre environ 20 % aujourd’hui. Ces deux objectifs impliquent un rythme de déploiement rapide. Les deux régions visent à produire 10 millions de tonnes d’hydrogène vert par an d’ici à 2030.
Clarté et facilité de faire des affaires : Il est trop tôt pour juger de la puissance du plan industriel du pacte vert. Cela dit, l’IRA semble constituer un cadre plus facile pour les entreprises. L’IRA offre des crédits d’impôt avec une visibilité sur 10 ans. Ce degré de simplicité n’existe pas au sein de l’UE, où les mécanismes de financement peuvent aller des prêts aux subventions en passant par les CFD (contrats pour la différence). En outre, les États membres qui mettent en œuvre leurs propres mécanismes d’aides d’État peuvent ajouter à la complexité en fragmentant le cadre réglementaire.
La tarification du carbone est un domaine important (certes en dehors du plan industriel du pacte vert) où l’Europe dispose d’un cadre plus solide que les États-Unis. La tarification du carbone a connu un grand succès ces dernières années et dispose d’une feuille de route claire pour couvrir un plus grand nombre d’émetteurs, ce qui apporte un bon degré de clarté réglementaire. Les États-Unis n’ont pas de marché fédéral du carbone.
Pourquoi cela est important pour les investisseurs :
Un scénario gagnant-gagnant : Du point de vue de l’investissement, il ne s’agit pas d’opposer les entreprises américaines aux entreprises européennes. Bon nombre des entreprises clés qui devraient bénéficier de l’IRA sont des entreprises mondiales, et même souvent européennes. Prenons l’exemple du fabricant danois de turbines éoliennes Vestas, dont les États-Unis constituent déjà le plus grand marché, ou de la grande entreprise française d’équipement électrique Schneider, qui réalise déjà près d’un tiers de son chiffre d’affaires en Amérique du Nord. Ce sont ces mêmes entreprises qui bénéficieront d’une accélération de la transition énergétique en Europe. Pour elles, la concurrence réglementaire bénéficie à tous.
Une question ouverte pour les technologies naissantes : La situation est plus fluide pour les technologies naissantes où la domination est encore en jeu. Prenons l’exemple de l’hydrogène vert, qui a été identifié par tous les grands blocs économiques comme essentiel pour atteindre les objectifs de zéro émission. Aujourd’hui, il s’agit d’un marché presque négligeable, mais les dix prochaines années seront décisives pour l’expansion de l’industrie. Dans l’état actuel des choses, le niveau de subvention offert par l’IRA pour la production d’hydrogène vert est irrésistible. Le plan européen de CFD pour l’hydrogène sera-t-il aussi simple et généreux que celui des États-Unis ? Et si ce n’est pas le cas, les entreprises européennes du secteur de l’hydrogène, qui ont été occupées à investir des capitaux dans des capacités en Europe, seront-elles laissées pour compte par leurs homologues américaines ?
L’impact de la fragmentation de la chaîne d’approvisionnement : Les préoccupations géopolitiques ont été un accélérateur important de la transition énergétique au cours des 12 derniers mois (des deux côtés de l’Atlantique), mais le « reshoring » est-il un élément positif à long terme pour les efforts de lutte contre le changement climatique ? Lorsque les technologies et les chaînes d’approvisionnement sont déjà bien établies, est-ce une utilisation efficace du capital que de recréer des capacités dans différentes régions ? La conséquence ultime pourrait être une plus grande volatilité des relations entre l’offre et la demande, et peut-être même des technologies plus coûteuses. Les investisseurs devront surveiller de près les dynamiques régionales.
Le risque de dépendance à l’égard des subventions : Dans le même ordre d’idées, les entreprises construisant des actifs qui ne sont compétitifs que grâce à une subvention gouvernementale peuvent devenir dépendantes de ces subventions. En tant qu’investisseurs, nous voulons trouver des entreprises dotées de modèles d’entreprise solides et d’avantages concurrentiels durables, et pas seulement celles qui bénéficient de subventions à court terme.
Une certaine protection contre la concurrence chinoise ? La Chine est déjà incroyablement dominante dans un certain nombre de technologies et de matériaux clés nécessaires à la transition énergétique. Par exemple, plus de 90 % des panneaux solaires sont produits par des entreprises chinoises en Asie, et environ 60 % du lithium est traité en Chine. Les nouvelles politiques de l’IRA et de l’Europe visent à réduire ou, comme l’a dit madame von der Leyen, à « dé-risquer » le rôle de la Chine dans la chaîne d’approvisionnement des technologies propres. Cela pourrait offrir aux entreprises occidentales (ou à d’autres entreprises non chinoises) un peu de répit face à l’implacable concurrence chinoise.
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