Qu’est-ce que les interconnecteurs et pourquoi sont-ils la clé de la révolution des énergies renouvelables ?
À mesure que la production d’énergie renouvelable augmente, des améliorations du réseau sont nécessaires pour acheminer cette énergie jusqu’aux consommateurs. Les interconnecteurs joueront un rôle crucial, comme l’expliquent nos experts.
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Qu’est-ce qu’un interconnecteur ?
Ashley Thomas (AT), Gérante de fonds, Actions : Les interconnecteurs sont des câbles à haute tension qui traversent la terre et la mer entre des pays voisins (et entre les différents États aux États-Unis). Ils rendent possible l’échange d’électricité dans les deux sens.
Ils permettent une utilisation plus efficace des énergies renouvelables, l’accès à une production d’électricité durable et une meilleure sécurité des approvisionnements en électricité.
Au début de l’année, j’ai visité la section britannique de Viking Link, qui deviendra l’interconnecteur électrique le plus long au monde, avec une longueur d’environ 765 km, lorsqu’il sera achevé dans le courant de l’année.
Viking Link est une liaison d’interconnexion de 1,4 GW reliant la côte est de l’Angleterre au Danemark. Il s’agit d’une coentreprise à 50/50 entre National Grid (Royaume-Uni) et Energinet (Danemark).
Quelle est la capacité d’interconnexion dont le Royaume-Uni a besoin ?
AT : L’année dernière, le Royaume-Uni est devenu un exportateur net d’électricité pour la première fois depuis plus de 40 ans (5 TWh d’importations nettes contre des importations nettes record de 25 TWh en 2021).
L’achèvement de Viking Link portera la capacité d’interconnexion de National Grid à 7,8 GW et la capacité totale britannique à 9,8 GW, soit 13 % de la capacité totale de production d’électricité de Grande-Bretagne. Les projets en cours pourraient potentiellement ajouter 16 GW supplémentaires de capacité d’ici 2035.
Avec l’augmentation des capacités de production d’énergie renouvelable au Royaume-Uni, les exportations nettes d’électricité britanniques devraient encore progresser, passant potentiellement à 64 TWh en 2030 et 104 TWh en 2050 (source : National Grid Future Energy Scenarios 2023 - Leading the Way).
Les avantages environnementaux et de consommation des interconnecteurs sont clairs. D’ici 2030, le portefeuille d’interconnexions de National Grid devrait fournir 90 % d’électricité sans carbone et permettra au Royaume-Uni d’économiser environ 100 millions de tonnes de CO2.
Les interconnecteurs sont essentiels à mesure que le rôle des énergies renouvelables dans le système s’étend. Lorsque la production d’électricité est excédentaire (par exemple, un jour de grand vent), les interconnecteurs permettent d’exporter l’électricité plutôt que de la réduire. La réduction intervient lorsque la production d’une ressource renouvelable est inférieure à ce qu’elle aurait pu être, que ce soit en raison d’un manque de demande ou d’un manque de capacité de transmission.
En 2018, National Grid a estimé qu’une capacité d’interconnexion supplémentaire de 9,5 GW pourrait offrir un bénéfice de 11 milliards de livres sterling aux consommateurs britanniques. Ce scénario est comparé à un scénario dans lequel des centrales électriques supplémentaires sont construites pour fournir le même niveau de flexibilité (aider à équilibrer le réseau lorsque l’énergie éolienne est réduite) et de sécurité d’approvisionnement.
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Quelle est la capacité d’interconnexion dont l’Europe a besoin ?
AT : Le système électrique européen compte actuellement plus de 400 interconnecteurs et est le plus grand réseau interconnecté au monde. Actuellement, l’Europe dispose d’une capacité de transmission transfrontalière d’environ 93 GW, et 23 GW supplémentaires sont en cours de construction ou en phase avancée d’autorisation d’ici à 2025.
L’Association européenne de l’électricité ENTSO-E estime qu’une capacité d’interconnexion supplémentaire de 64 GW (+55 %) est nécessaire entre 2025 et 2030. Cela coûterait environ 10 milliards d’euros au total, mais devrait permettre d’économiser 5 milliards d’euros par an en termes de coûts de production/consommation et de réduire les émissions de 14 millions de tonnes. La modélisation ENTSO-E indique également la nécessité d’une augmentation de 120 % de la capacité d’interconnexion actuelle d’ici 2040.
L’augmentation prévue actuellement est toutefois bien en deçà de cet objectif. Étant donné que le délai de mise en place d’un interconnecteur est généralement d’environ neuf ans (selon l’AIE), il ne faut pas sous-estimer l’importance de la planification pour combler le déficit.
Pourquoi y a-t-il un besoin urgent de capacités supplémentaires aux États-Unis ?
AT : Le besoin d’interconnecteurs est plus pressant aux États-Unis, avec seulement 7 GW de transmission intrarégionale à grande échelle construits depuis 2014 contre 44 GW en Europe et 260 GW en Chine (source : Macro Grids in the Mainstream: An International Survey of Plans and Progress 2020). Malgré la croissance des capacités renouvelables aux États-Unis au cours des cinq dernières années, seuls 675 miles (1086 km) de ligne de transmission à haute tension ont été construits l’année dernière, soit une baisse de 50 % par rapport aux niveaux de 2021 et un plus bas historique.
La Loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act - IRA) stimule une augmentation spectaculaire des investissements dans les énergies renouvelables. Mais un rapport de Princeton datant de 2022 estime que plus de 80 % des réductions potentielles d’émissions obtenues par l’IRA en 2030 seraient perdues si l’augmentation des capacités de transmission se limite au rythme historique récent de 1 % par an.
Le département américain de l’énergie (Grid Deployment Office) identifie également « un besoin urgent de nouvelles infrastructures de transmission », la transmission interrégionale ayant le plus d’avantages. Par exemple, l’exigence de capacité interrégionale (interconnecteurs) pour le Midwest est estimée à plus de 2 à 3 fois la capacité actuelle d’ici 2035.
Et lorsque la tempête hivernale Uri a frappé le Texas en février 2021 (entraînant des pannes d’électricité de 34 GW pendant deux jours), le manque de capacité d’interconnexion n’a permis d’importer qu’environ 800 MW d’électricité (contre 13 GW d’importations par le réseau MISO voisin). Selon un rapport de Grid Strategies, 1 GW de capacité d’interconnexion entre le Texas et le Sud-Est aurait pu économiser 1 milliard de dollars de coûts pendant la tempête Uri.
Dans quelle mesure les interconnecteurs à très longue distance sont-ils réalisables ?
AT : Alors que Viking Link va bientôt devenir l’interconnecteur le plus long avec 765 km de long, des projets d’interconnexion à travers le monde sont en cours de planification. Cependant, les questions techniques et de financement de ces projets à grande échelle ne doivent pas être sous-estimées.
Des câbles sous-marins à plus longue distance sont en cours de planification, bien que les projets à très longue distance en soient encore au stade de la conception. Leur modèle économique doit répondre aux pertes d’énergie typiques d’environ 3 % pour 1 000 km.
Par exemple, avec une longueur de 3 800 km, le projet X-Links Morocco-UK Power Project serait cinq fois plus long que Viking Link. Le projet est encore en phase de développement.
Interconnecteurs - de point à point ou polyvalents ?
AT : Jusqu’à présent, nous avons surtout parlé des interconnecteurs « de point à point ». Ceux-ci vont directement d’un endroit à l’autre dans un pays, alors que les parcs éoliens doivent être raccordés un par un à la côte.
Il est clair qu’au fur et à mesure de l’augmentation de la capacité éolienne offshore, la structure des liaisons de point à point devient sous-optimale.
Des interconnecteurs polyvalents (Multi-purpose interconnectors - MPI) sont donc en cours de planification. Ceux-ci relient à la fois le pays hôte aux marchés voisins et connectent la production offshore à la terre.
Les MPI ont un certain nombre d’avantages. Au Royaume-Uni, on estime qu’une approche intégrée de la connexion de l’éolien offshore, y compris l’utilisation de MPI, pourrait réduire les coûts des consommateurs britanniques de 3 à 6 milliards GBP, en fonction de la rapidité de sa mise en œuvre, et pourrait réduire le nombre de points d’atterrissage onshore jusqu’à 50 % (source : National Grid ESO).
En 2022, la Belgique, le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas ont signé la Déclaration d’Esbjerg afin de mettre en place une approche coordonnée pour relier 65 GW d’éoliennes offshore d’ici 2030. Il s’agirait d’établir des pôles énergétiques interconnectés en mer du Nord afin de faciliter la production d’hydrogène vert à l’aide de l’énergie éolienne offshore excédentaire.
Cette approche intégrée, combinant des interconnexions hybrides/polyvalentes avec des îles de production d’hydrogène/stockage d’énergie, devrait créer des synergies et accroître l’utilisation des rendements éoliens offshore. Elle fournira également de l’énergie renouvelable à plusieurs marchés.
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Quelles seront les conséquences de l’augmentation de la demande d’interconnecteurs pour les fabricants de câbles ?
Sanjay Patel (SP) : La forte demande de projets d’interconnexion et la transition vers des projets plus importants et plus complexes devraient entraîner un manque de capacité de production de la part des principales entreprises qui fournissent l’industrie. En Europe et en Amérique du Nord, la part de marché des fournisseurs est contrôlée par trois acteurs principaux : Prysmian, Nexans et NKT.
Les rapports de l’industrie suggèrent une augmentation de la demande de câbles de 6,6 fois, passant de 13 000 km en 2010 à 85 000 km en 2030. Si cette demande est satisfaite, l’industrie du câble aura besoin de câbles interconnectés qui représentent plus de deux fois la circonférence de la terre au cours des dix prochaines années.
Les principaux acteurs du câble ont augmenté les dépenses d’investissement et la capacité de leurs navires d’installation pour répondre à cette demande. Les trois grands acteurs ont récemment annoncé la mise en service de nouveaux navires de pose de câbles qui entreront en service dans le courant de la décennie. La capacité d’installation est extrêmement importante. Les clients ne feront confiance qu’à des acteurs expérimentés, car ces projets qui s’étendent sur plusieurs années présentent un risque d’exécution important.
Les attributions de projets dans le domaine de la haute tension augmentent et pourraient atteindre 12 milliards d’euros en 2023, contre 9 milliards d’euros en 2022 et 2 milliards d’euros en 2019. Même avec l’ajout de nouvelles capacités, nous pensons qu’il n’y aura pas suffisamment de câbles à haute tension pour satisfaire cette demande, ce qui place les câbliers en position de force pour les appels d’offres pour les nouveaux projets.
Il est donc important que les cadres de réglementation et de planification appropriés soient mis en place. Les opérateurs de réseau auront ainsi suffisamment de certitude pour passer des commandes aux fabricants de câbles afin de leur permettre de construire une capacité suffisante. Sans une certitude plus grande, les contraintes de capacité risquent d’entraîner des retards dans les projets en cours, entraînant une hausse des coûts de consommation ou un ralentissement du déploiement des énergies renouvelables.
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