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Quelle est l’ampleur du risque lié à la hausse imminente du nombre d’« anges déchus » ?

La récession provoquée par le Covid-19 entraînera une hausse marquée du nombre d’entreprises déchues de leur statut Investment Grade. Nous examinons l’ampleur de ce risque pour les marchés obligataires et ce que les investisseurs peuvent faire.

09/04/2020
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Authors

Sean Markowicz, CFA
Stratégiste

Le risque de voir la forte hausse des obligations d’entreprises notées BBB entraîner une vague d’« anges déchus », les obligations étant rétrogradées du statut Investment Grade (IG) à celui de titres à haut rendement (HY), fait débat depuis déjà un certain temps. L’épidémie de coronavirus et la chute des prix du pétrole ayant mis l’économie mondiale sur la voie de la récession, ce risque est en train de se matérialiser.

Nul ne sait encore à quel point le cycle de révisions baissières sera prononcé, mais un certain nombre d’entreprises américaines ont déjà perdu leur note IG. Il s’agit notamment de grands noms comme le constructeur automobile Ford et la chaîne de grands magasins Macy’s, ou encore la société énergétique Occidental Petroleum.

 

Pourquoi ce risque ?

Depuis la crise financière mondiale de 2008, les agences de notation ont laissé aux entreprises une marge de manœuvre importante leur permettant d’accroître leurs niveaux d’endettement dans un contexte de faibles coûts d’emprunt et de forte croissance des bénéfices. Toutefois, une forte baisse des bénéfices pourrait accroître cet endettement et réduire les liquidités disponibles pour couvrir le paiement des intérêts, provoquant une série de baisses de notations.

Dans ce scénario, les obligations notées BBB sont les plus vulnérables car elles se situent à la limite de la catégorie IG, de sorte qu’une rétrogradation les reléguerait sur le marché HY.

Pour diverses raisons, de nombreux investisseurs choisissent exclusivement les obligations notées IG. Pour certains, ce choix est dicté par la réglementation. Pour d’autres, il résulte de la conception de certaines stratégies. Par exemple, une stratégie passive investissant dans des obligations IG ne détiendra que des obligations faisant partie du marché IG qu’elles sont censées suivre. Par conséquent, ces types de fonds sont contraints de vendre toute obligation qui perd son statut IG. Ces ventes réalisées simultanément par de nombreux fonds risquent ainsi de provoquer d’importantes pressions vendeuses sur le marché, ce qui pourrait amplifier les mouvements baissiers des cours des anges déchus.

Les pertes de statut IG sont susceptibles d’avoir un impact beaucoup plus important sur le marché que par le passé dans la mesure où la part du marché américain des titres IG notés BBB a augmenté pour atteindre 47 %, contre 33 % en 2008. Les fournisseurs d’indices ont pris conscience de ce risque et sont même allés jusqu’à reporter leur rééquilibrage de fin de mois pour atténuer le choc.

Les investisseurs qui le peuvent seraient bien inspirés d’éviter de participer au mouvement de ventes forcées. Une stratégie plus judicieuse consisterait à détenir, voire à acquérir, les titres d’émetteurs susceptibles de se redresser après ces baisses de notation.

 

Comment les marchés du crédit ont-ils réagi jusqu’à présent ?

Les investisseurs ont rapidement anticipé les décisions des agences de notation pour intégrer les rétrogradations potentielles dans les cours. Au 27 mars, le spread de crédit moyen sur la dette américaine notée BB, l’échelon le plus élevé de la dette HY, était d’environ 660 points de base. Mais environ 347 milliards de dollars de dette BBB se sont négociés à un spread plus élevé, ce qui représente 10 % de l’encours total de la dette BBB.

De plus, près de 868 milliards de dollars de dette BBB, soit 26 % du total, se sont négociés à un spread supérieur à 450 points de base – un niveau typique de la dette HY dans des conditions normales de marché (cf. graphique).

 

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Source : ICE, Schroders. Données au 27 mars 2020. Remarques : US BBB = ICE BofA BBB US Corporate Index, US BB = US BBB = ICE BofA BB US High Yield Index.

 

Il est important de souligner que les baisses de notation ne concerneront pas tous ces émetteurs. Les mouvements du marché consécutifs à la pandémie de Covid-19 ont été extrêmes, des entreprises solides dont la notation est supérieure à BBB ont été vendues et certaines obligations ont très probablement été mal valorisées.

Comme nous l’avons expliqué la semaine dernière, la forte hausse des spreads sur l’ensemble des marchés du crédit est en partie liée à la détérioration des conditions de liquidité et semble avoir été plus sévère en conséquence. Cela signifie que les investisseurs doivent être sélectifs quant aux émetteurs qui semblent les plus vulnérables et à ceux qui sont susceptibles de survivre à la tempête.

 

Quel impact les anges déchus pourraient-ils avoir sur le marché IG ?

Bien qu’il soit difficile de prévoir le moment exact et l’ampleur de ces baisses de notation, il est possible d’estimer leur impact potentiel sur les performances de l’indice IG en se fondant sur les données historiques. Par exemple, si l’on se base sur les trois dernières récessions américaines, entre 277 et 561 milliards de dollars de dette BBB pourraient faire l’objet d’une rétrogradation, avec des pertes au niveau de l’indice comprises entre -1,2 % et -4,1 %. Ces résultats sont résumés dans le tableau ci-dessous.

 

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Les prévisions fournies dans les présentes ne doivent pas servir de fondement à une quelconque décision et ne sont pas garanties.

Source : ICE, Bloomberg, JP Morgan, Schroders. Données concernant les spreads datées du 6 mars 2020. Remarques : US BBB = ICE BofA BBB US Corporate Index, US BB = US BBB = ICE BofA BB US High Yield Index.

 

Toutefois, cela ne tient pas compte de la part nettement plus élevée aujourd’hui des titres de créance notés BBB par rapport au passé. En outre, l’équipe économique de Schroders s’attend à ce que la récession mondiale soit la pire depuis la Grande Dépression des années 1930. Par conséquent, ces projections risquent de sous-estimer les pertes potentielles auxquelles les investisseurs pourraient être exposés.

 

Les investisseurs doivent adopter une approche flexible

Quel que soit le scénario, le pire moment pour vendre des obligations rétrogradées est généralement lorsqu’elles quittent leur indice obligataire IG respectif dans la mesure où il coïncide avec un pic des spreads de crédit et un creux des prix des obligations, entraînant une perte cristallisée maximale. Ce processus est illustré dans le diagramme suivant.

 

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Les performances passées ne préjugent pas des performances futures et peuvent ne pas être reproduites. Source : Morgan Stanley Research. Creusement du spread médian des anges déchus au 5 octobre 2018.

 

Toutefois, les prix ont tendance à légèrement rebondir après la fin d’une période de vente forcée. En plus d’être lié à un surenchérissement des prix, ce phénomène repose également sur un socle fondamental dans la mesure où de nombreux anges déchus tenteront de redresser leur bilan pour retrouver leur statut IG. Cela signifie que toute capacité à conserver ou à acquérir des anges déchus pourrait aboutir à un meilleur résultat. Cette approche a permis de réaliser des performances supérieures à la moyenne du marché sans augmentation indue du risque (cf. graphique).

 

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Les performances passées ne préjugent pas des performances futures et peuvent ne pas être reproduites. Source : ICE, Schroders. Données du 1er janvier 1997 au 28 février 2020. Remarques : US IG = ICE BofA US Corporate Index, US fallen angels = ICE BofA BB US Fallen Angels High Yield Index.

 

Dans la mesure où toutes les obligations des anges déchus ne se valent pas, une approche sélective est essentielle. Par exemple, les secteurs des transports, de l’hôtellerie et de la distribution sont les plus exposés à la récession actuelle compte tenu de leur sensibilité aux restrictions en matière de déplacement et à la demande des consommateurs.

Le secteur de l’énergie est lui aussi soumis à d’énormes pressions compte tenu de l’effondrement des prix du pétrole. Dans le même temps, les secteurs plus défensifs du marché tels que les biens de consommation de base, les services aux collectivités, la santé et les télécommunications pourraient mieux résister aux perturbations économiques.

Les gérants de fonds suffisamment souples pour opérer une distinction entre émetteurs sains et vulnérables ont les meilleures chances de limiter les pertes et pourraient même profiter de ce cycle de révisions baissières des notations. Toutefois, l’histoire montre que les investisseurs passifs et les stratégies qui doivent vendre au moment de telles révisions baissières sont intrinsèquement désavantagés dans ce contexte.

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