Trois façons de savoir si une entreprise est un véritable leader climatique
Nous expliquons pourquoi les objectifs climatiques des entreprises sont plus complexes qu’il n’y paraît à première vue.
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Alors que le monde est confronté à la nécessité de réduire les émissions nocives, les entreprises sont disposées à montrer qu’elles jouent leur rôle. Mais faut-il toujours prendre pour argent comptant leurs proclamations en matière climatique ?
En tant que spécialistes de l’investissement dans le changement climatique, nous cherchons à identifier les entreprises qui sont de véritables « leaders climatiques ». Cela signifie qu’elles ont des plans ambitieux et crédibles pour décarboner leurs activités. Il est important de noter que ces plans doivent être cohérents avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré au-dessus des niveaux préindustriels, conformément à l’Accord de Paris de 2015.
De nombreuses entreprises disposent de ces plans crédibles. Ensuite, toute une série d’autres se sont fixé des objectifs, mais ne sont pas des vrais leaders.
Il peut s’avérer très difficile de connaître la vérité derrière les gros titres et les déclarations de relations publiques et de comprendre ce qui se passe au niveau de l’entreprise. Mais nous avons identifié trois façons de faire la différence entre un leader climatique et les autres. On peut les résumer en « comment », « quoi » et « qui ».
Comment une entreprise atteint-t-elle ses objectifs de réduction des émissions ?
Exemple 1 : Électricité
Prenons, par exemple, un engagement à utiliser 100 % d’énergie renouvelable. Une entreprise pourrait construire un ensemble complet d’installations et d’équipements renouvelables pour produire sa propre électricité renouvelable capable d’alimenter l’ensemble de ses activités. Elle pourrait également financer directement un tiers pour construire et générer l’énergie renouvelable pour elle. Ces deux activités constitueraient un réel investissement supplémentaire qui décarbonerait l’entreprise et mettrait fin à ses émissions.
Mais une autre société pourrait prétendre au même passage aux énergies renouvelables en achetant des certificats. Chaque fois qu’une personne dans le monde génère de l’énergie renouvelable, un certificat est généré et ces certificats peuvent être achetés, souvent très bon marché. Ainsi, même si ce certificat a été créé dans une région totalement différente du monde où une entreprise opère, il arrive que ces certificats puissent être achetés et utilisés pour prétendre que l’entreprise utilise 100 % d’énergie renouvelable, même si elle n’a pas d’influence réelle sur l’électricité que l’entreprise utilise sur ses marchés opérationnels.
Ces deux scénarios sont évidemment complètement différents. Cela dit, il peut y avoir des raisons valables pour lesquelles une entreprise doit s'appuyer sur des certificats.. Par exemple, les petits occupants d’un immeuble à locataires multiples n’ont que peu de contrôle sur l’approvisionnement en électricité. Il existe également des pays où l’achat direct d’énergies renouvelables est très difficile.
Le Greenhouse Gas Protocol (une norme de comptabilité des émissions de référence) permet aux entreprises d’utiliser n’importe quelle méthode d’approvisionnement en énergies renouvelables pour soutenir les allégations vertes qu’elles formulent publiquement. Jusqu’à ce que la réglementation rattrape la réalité, les investisseurs devront effectuer des recherches pour s’assurer que l’entreprise contribue à une décarbonation supplémentaire de l’énergie plutôt qu’à une décarbonation « sur papier ».
Exemple 2 : Émissions opérationnelles
Les réductions des émissions ne se produisent pas d’elles-mêmes. Un travail acharné et des investissements sont nécessaires pour réorganiser les processus de fabrication et de distribution. Les pires exemples sont ceux d’entreprises qui achètent des compensations et exercent leurs activités comme à l’accoutumée, croisant les doigts pour que personne ne s’en soucie et que les prix de compensation restent bon marché.
Pour être un leader climatique, nous devons assister à un véritable changement opérationnel. Par exemple :
- Un programme d’investissement pour l’électrification des flottes de véhicules, qu’il s'agisse de véhicules de livraison ou d’équipements de construction et d’exploitation minière ;
- Un programme d’investissement visant à remplacer les combustibles fossiles dans le processus de fabrication par des sources d’énergie et de chaleur alternatives (par ex. hydrogène, électricité) ;
- Un programme d’investissement dans l’efficacité énergétique visant à réduire l’utilisation de l’énergie dans les bâtiments et autres opérations ;
- Un prix interne du carbone ou d’autres mesures incitatives pour remplacer les activités à forte intensité d’émissions, telles que les déplacements aériens professionnels par des visioconférences et d’autres alternatives.
Les compensations peuvent avoir une place pour compenser les émissions rejetées pendant la période de transition vers la neutralité carbone, mais seulement si elles s’ajoutent à de sérieux efforts de décarbonation opérationnelle, et qu’elles ne constituent pas une solution à long terme. Seule l’existence de véritables preuves d’investissement pour transformer l’activité nous permet de dire qu’une entreprise est vraiment un leader climatique.
Qu’est-ce que l’entreprise s’est engagée à réduire ?
Il est important en l’espèce de savoir si une entreprise vise une réduction de l’intensité des émissions ou une réduction des émissions absolues.
L’intensité des émissions désigne le volume d’émissions produites par unité de production (par ex. émissions par unité de bénéfice, ou émissions par produit). Les émissions absolues sont, comme le suggère leur nom, une mesure absolue des émissions produites.
Une entreprise mature ou en déclin pourrait beaucoup plus facilement atteindre un objectif de réduction absolue qu’une entreprise qui connaît une croissance rapide. De même, un objectif de réduction de l’intensité des émissions peut entraîner une croissance absolue des émissions demeurant assez élevée si l’entreprise connaît une croissance suffisamment rapide.
Il n’y a pas nécessairement de bonne ou de mauvaise réponse dans le cas présent. Ces deux éléments doivent être évalués lorsque l’on considère la solidité d’un objectif de réduction des émissions, notamment en ce qui concerne la croissance d’une entreprise.
Prenons un exemple hypothétique d’une entreprise qui a trouvé un moyen de fabriquer de l’acier avec 10 % de l’intensité d’émissions des aciéristes historiques. Cette entreprise a une intensité beaucoup plus faible en matière d’émissions et nous devrions tous vouloir qu’elle élargisse sa production aussi vite que possible, en remplaçant les acteurs historiques à forte intensité d’émissions en place. Toutefois, compte tenu de l’expansion de cette nouvelle entreprise, il ne sera pas facile de réduire davantage ses émissions absolues, car elle les a déjà supprimées à 90 % du processus de production. Dans le même temps, elle augmente ses capacités.
Nous devons donc être réalistes dans l’évaluation des objectifs de l’entreprise, en tenant compte de l’état de croissance de l’entreprise lorsqu’il s’agit d’évaluer l’étendue de l’objectif de réduction des émissions absolues.
L’un des autres pièges à prendre en compte est l’effet de l’inflation. Avec un objectif basé sur l’intensité des émissions mesurée par les émissions par unité de chiffre d’affaires, on découvre comme par magie que l’intensité d’émissions diminue au fur et à mesure de l’augmentation des prix (et donc du chiffre d’affaires). Nous avons le certitude absolue que certaines entreprises le prennent en compte lorsqu’elles fixent leurs objectifs d’intensité d’émissions, car l’inflation des prix leur permet d’enregistrer une baisse sensible et régulière de leur intensité d’émissions.
La chose la plus importante est que l’entreprise ait des plans réels et crédibles en vue de l’élimination des émissions de ses activités de fabrication et de chaîne d’approvisionnement. Nous pensons qu’il importe d’avoir un objectif de réduction des émissions absolues, et pas seulement un objectif basé sur l’intensité.
Qui réduit les émissions ?
Notre dernier point nous amène à la différence entre les émissions de scope 1, 2 et 3. Le scope 1 couvre les émissions provenant des activités propres d’une entreprise. Le scope 2 fait référence aux émissions indirectes créées lors de la production d’électricité qu’une entreprise utilise. Le scope 3 fait référence aux émissions tout au long de la chaîne de valeur. Il s’agit des émissions créées par les fournisseurs, ou par les utilisateurs des produits. Pour de nombreuses entreprises, celles-ci seront bien plus importantes que celles qui relèvent des scopes 1 et 2.
À défaut d’objectif couvrant le scope 3, il peut être relativement facile pour certaines entreprises de faire face à leurs propres réductions d’émissions (scopes 1 et 2) par l’externalisation. Si une entreprise transfère un élément de sa production ou vend un actif à un fournisseur, il pourrait en résulter une réduction immédiate de ses propres émissions. Mais il s’agit d’un transfert des émissions vers le scope 3, plutôt qu’une réduction effective des émissions en soi.
En fait, il est très révélateur de discuter avec une entreprise à propos des émissions de scope 3. Vous découvrez très rapidement quelles entreprises ne prennent pas la réduction des émissions au sérieux, car ce sont celles qui disent « les données de nos fournisseurs sont trop inégales » ou « notre chaîne d’approvisionnement est trop complexe » pour mesurer ou réduire leurs émissions de scope 3. Certaines chaînes d’approvisionnement du secteur sont bien sûr plus complexes que d’autres, mais ces déclarations peuvent être des excuses révélatrices d’une entreprise qui essaie de faire bonne figure sans un réel engagement de changement.
Autant de choses qui doivent être surveillées et évaluées avec soin. Un leader climatique aura des objectifs de réduction des émissions pour les scopes 1, 2 et 3.
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