Trois scénarios de marché : comment se comporterait le crédit ?
Les obligations d'entreprise peuvent jouer un rôle important au sein des portefeuilles dans un large éventail de situations de marché. Mais le positionnement optimal d’un portefeuille de crédit dépend de l'évolution des taux d'intérêt, de l'inflation et de la croissance économique.
Authors
Différents scénarios pourraient influencer la performance des obligations d'entreprise au cours des 12 prochains mois. Établir une seule prévision sur l'évolution des marchés de la dette d'entreprise est difficile. La meilleure façon d'aborder cet exercice est de déterminer comment les obligations d'entreprise pourraient se comporter dans trois scénarios différents. Sur cette base, il est possible d’examiner quelles en seront les conséquences pour les investisseurs.
Trois scénarios envisageables
Commençons par le contexte économique, avec trois combinaisons possibles d'inflation, de taux d'intérêt et de croissance que, en clin d’œil à Sergio Leone, nous appellerons « le bon », « la brute » et « le truand ». Étonnamment, durant les premiers mois de 2023, le marché a intégré dans les cours les trois scénarios alternativement.
1. Le bon : atterrissage en douceur (soft landing)
Dans ce scénario, la croissance économique ralentit, mais à un taux soutenable qui permet d’éviter une récession une crise financière et de contenir l'inflation. L'inflation est maîtrisée sans trop nuire à l'économie. Il n'est pas nécessaire de procéder à de nouvelles hausses des taux d'intérêt et l’activité économique est saine. Cela décrit la situation qui prévalait au début de l’année 2023. Les marchés financiers ont progressé sous l'effet de la baisse des anticipations d'inflation et de l’apaisement des craintes de récession.
2. La brute : atterrissage forcé (hard landing)
Dans ce scénario, «le remède est plus dangereux que la maladie». Un atterrissage forcé se produit, à savoir une baisse brutale de l'activité économique. On observe généralement une augmentation du chômage, une baisse des prix des actifs, une pression sur les banques, des finances publiques tendues et un sentiment général d'instabilité économique. Les relèvements de taux d'intérêt décidés par les banques centrales permettent de maîtriser l'inflation, mais des maillons cassent dans l'économie au cours du processus. Ce scénario s'est produit en mars, avec des faillites de banques, à commencer par l'effondrement de Silicon Valley Bank aux États-Unis. Ces faillites bancaires ont eu lieu parce que le resserrement monétaire a entraîné une hausse rapide des rendements sur les marchés, ce qui a finalement poussé les déposants à retirer massivement leur argent des banques pour tirer parti de meilleurs rendements ailleurs.
3. Le truand : remontée des taux d'intérêt (no landing)
Dans ce scénario « sans atterrissage », ou peut-être plus précisément d' « atterrissage manqué », l'inflation reste tenace et les hausses de taux d'intérêt accélèrent à nouveau. Les marchés de la dette d'entreprise intégraient une version extrême de ce scénario pendant la majeure partie de 2022, les investisseurs craignant que le resserrement quantitatif des banques centrales compromette la croissance. Une variante plus modérée de ce scénario a eu lieu en février de cette année en raison de l’apparition de signes indiquant que l'inflation pourrait être plus élevée pendant une période prolongée, avec la possibilité que les banques centrales doivent encore durcir leur politique et par là même provoquer une récession.
Ainsi, au cours des trois premiers mois de 2023, nous sommes progressivement passés du scénario « bon » à « truand » à « brute », avec ensuite un retour timide à « bon » dès lors que les mesures monétaires et budgétaires semblaient avoir permis d’enrayer une crise bancaire de grande ampleur. Nous pouvons nous attendre à d’autres oscillations au cours des 12 prochains mois et avons donc chiffré ces 3 scenarios pour tenter de mesurer leur impact.
Le tableau ci-dessous compare l’influence des trois scénarios de taux d'intérêt et de croissance sur les taux des emprunts d'État et sur les spreads de crédit (prime de rendement pour la détention d'obligations d'entreprise). Il montre également leur impact sur les cours des obligations. On suppose que l'investissement en obligations d'entreprise a été acheté à un taux initial de 5,5% (portage), puis ce chiffre est ajusté des plus-values ou moins-values résultant de l'évolution des prix. La performance totale reflète donc les revenus d'intérêts plus toute évolution du prix à la hausse ou à la baisse.
Notez qu'il ne s'agit pas d'une prévision réelle, ni d'une recommandation, mais d'une illustration simplifiée pour donner une idée de l'orientation et de l'ampleur du changement.
Impact chiffré des trois scénarios sur les rendements du crédit
*Le spread correspond à la prime de rendement par rapport au taux des emprunts d'État d'échéances similaires (supposé être le taux sans risque) que perçoivent les investisseurs en rémunération du risque de crédit.
**Pour calculer l’impact des variations des taux des emprunts d’état américains et des spreads sur les cours, on suppose que la duration des taux d'intérêt = 5 ans, la duration des spreads = 5 ans, la convexité = 0.
Tous les scénarios de performance sont basés sur les performances historiques du marché.
Source: Schroders
Utilisation de la boîte à outils du crédit dans différents scénarios
La première chose à relever dans le tableau est la résilience du crédit. Dans le scénario « truand », lorsque la hausse des taux des emprunts d'État et l'élargissement des spreads de crédit font baisser le cours des obligations de 6,25%, la perte reste inférieure à 1%. Si les investisseurs peuvent s’assurer un taux attractif au départ, cela peut contribuer à les protéger des baisses des marchés.
Les 5,5% indiqués ici correspondent au taux moyen d’obligations d'entreprise de niveaux de risque différents (segment des obligations notées entre « A » et « B » de l'indice mondial Bloomberg Barclays Multiverse, en dollar, à la fin mars 2023).
Toutefois, la sélection active des titres peut permettre d’obtenir des performances meilleures que celles des indices larges en choisissant des obligations qui offrent des rendements plus attractifs.
La sélection active des obligations permet aux investisseurs de rechercher les meilleurs instruments dans différents environnements. Les investisseurs en crédit sont confrontés à deux risques principaux: l'exposition aux taux d'intérêt et l'exposition au crédit. L'objectif est de se concentrer sur les types de crédit qui peuvent aider à capter le potentiel haussier et à réduire les risques de baisse. Comment cela fonctionne-t-il concrètement?
1. Scénario du « bon » (baisse du risque de taux, baisse du risque de crédit). Si vous prévoyez un atterrissage en douceur, avec une baisse des taux et une conjoncture favorable, vous chercherez des opportunités d'accroître l'exposition aux taux d'intérêt avec des échéances plus longues et à renforcer l'exposition au crédit par le biais de titres à haut rendement.
2. Scénario de la « brute » (baisse du risque de taux, hausse du risque de crédit). Si vous pensez que les taux ont atteint un pic mais que l'économie est en difficulté, augmenter l’exposition aux taux d'intérêt et réduire l’exposition au crédit, en d’autres termes, investir dans des obligations à plus long terme et privilégier les obligations d'entreprise de qualité Investment Grade sera à privilégier. Dans ce scénario, les taux de défaut ont tendance à augmenter, c'est pourquoi la recherche bottom-up est très importante. En matière d’investissement obligataire, il est plus important d'éviter les faillites que de sélectionner les gagnants, et l'analyse individuelle des entreprises est le meilleur outil de gestion des risques pour y parvenir.
3. Scénario du « truand » (hausse du risque de taux d'intérêt, hausse du risque de crédit). Si vous prévoyez un scénario de remontée des taux d'intérêt, la priorité est alors de réduire l'exposition aux taux d'intérêt en optant pour le crédit à court terme ou à taux variable. Les obligations d'entreprise à haut rendement sont moins sensibles aux taux d'intérêt en raison de leurs spreads plus larges (prime de rendement plus élevée par rapport aux emprunts d'État), mais cela dépend de l’ampleur de l'impact anticipé de la hausse des taux d'intérêt sur l'économie. Une solution serait de rester proche du segment «crossover» du spectre des notations, où la partie inférieure de la catégorie Investment Grade rejoint la partie supérieure des titres à haut rendement. Mais si vous anticipez de la stagflation (faible croissance économique avec une inflation élevée et persistante), la voie la plus défensive serait de se concentrer sur la dette d'entreprise de qualité Investment Grade où l’entreprise possède un fort pouvoir de fixation des prix.
Ces trois scénarios ne sont pas les seuls possibles, mais nous pensons qu’ils sont les plus probables dans l'environnement actuel.
Implications pour le portefeuille 60/40
La confiance des investisseurs dans la pertinence de la boîte à outils qu’offrent le crédit et les obligations en général a été ébranlée l'année dernière, les obligations n'ayant pas joué leur rôle traditionnel de diversification des risques. Mais il convient de prendre en compte les deux données suivantes : (1) 2022 est la première année depuis 1969 où les obligations et les actions ont chuté ensemble et (2) le rythme des hausses de taux de la Réserve fédérale américaine a été le plus rapide depuis 40 ans. Lorsque les marchés s'inquiètent davantage de l'inflation que de la croissance, les obligations sont à la peine. Mais dès lors que les préoccupations concernant la croissance prennent le pas sur celles relatives à l'inflation, la relation se normalise. Selon nous, le crédit devrait redevenir un bon outil de diversification du risque actions en raison de son profil polyvalent dans ces différents scénarios.
Le contenu de ce site est destiné aux particuliers et aux investisseurs non professionnels.
Ce document exprime les opinions du gérant ou de l'équipe citée et ne représente pas nécessairement les opinions formulées ou reflétées dans d’autres supports de communication, présentations de stratégies ou de fonds de Schroders.
Ce document n’est destiné qu’à des fins d’information et ne constitue nullement une publication à caractère promotionnel. Il ne constitue pas une offre ou une sollicitation d’achat ou de vente d’un instrument financier quelconque. Il n’y a pas lieu de considérer le présent document comme contenant des recommandations en matière comptable, juridique ou fiscale, ou d’investissements. Schroders considère que les informations contenues dans ce document sont fiables, mais n’en garantit ni l’exhaustivité ni l’exactitude. Nous déclinons toute responsabilité pour toute opinion erronée ou pour toute appréciation erronée des faits. Aucun investissement et/ou aucune décision d’ordre stratégique ne doit se fonder sur les opinions et les informations contenues dans ce document.
Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Les cours des actions ainsi que le revenu qui en découle peuvent évoluer à la baisse comme à la hausse et les investisseurs peuvent ne pas récupérer le montant qu’ils ont investi.
Les prévisions contenues dans le présent document résultent de modèles statistiques, fondés sur un certain nombre d'hypothèses.
Elles sont soumises à un degré élevé d'incertitude concernant l'évolution de certains facteurs économiques et de marché susceptibles d'affecter la performance future réelle. Les prévisions sont fournies à titre d'information à la date d'aujourd'hui. Nos hypothèses peuvent changer sensiblement au gré de l'évolution possible des hypothèses sous-jacentes notamment, entre autres, l'évolution des conditions économiques et de marché. Nous ne sommes tenus à l'obligation de vous communiquer des mises à jour ou des modifications de ces prévisions au fur et à mesure de l'évolution des conditions économiques, des marchés, de nos modèles ou d'autres facteurs.
Ce document est produit par Schroder Investment Management (Europe) S.A., succursale française, 1, rue Euler, 75008 Paris, France.
Authors
Thèmes