Pourquoi ce cycle économique est-il différent ?

Les circonstances uniques font qu'il n'y a pas de leçons claires à tirer de l'histoire, ce qui rend ce cycle économique particulièrement difficile à catégoriser.

28/10/2022
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Authors

Tina Fong
Strategist

Il n’existe pas deux cycles économiques identiques, mais comme l'écrivain américain Mark Twain le formulait avec éloquence, « l'histoire ne se répète pas, mais elle rime souvent ». Ce cycle s'avère toutefois très différent, ce qui rend encore plus difficile l’établissement de parallèles avec le passé.  

Selon les indicateurs utilisés, l'économie américaine pourrait être classée dans chacune des quatre phases du cycle économique. Ces phases sont les suivantes : expansion, ralentissement, récession et reprise.

Si l'on utilise la définition classique de la récession - deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB réel - les États-Unis sont dans une récession. Toutefois, les récessions s'accompagnent généralement d'une hausse significative du taux de chômage, phénomène qui ne s’est pas produit.

Au contraire, le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis plusieurs décennies. En effet, la vigueur du marché du travail reflète une économie en phase d'expansion, bien qu'elle atteigne désormais clairement ses limites de capacité.

D'autres indicateurs économiques, comme les enquêtes de conjoncture (qui se détériorent) et le rythme de variation de l'inflation (encore en accélération), suggèrent toutefois une économie déjà confrontée à ce type de ralentissement particulièrement difficile qu’est la stagflation. C’est certain, le repli prononcé des actions américaines observé cette année s'inscrit bien dans le sillage de la stagflation.

En résumé, il n’est pas aisé de catégoriser le cycle économique actuel.

Des circonstances uniques ont créé une économie à deux vitesses

Alors que le rythme rapide des hausses de taux de la Réserve fédérale (Fed) continue de se faire sentir, les indicateurs économiques devraient devenir moins contradictoires. Cela devrait se produire l'année prochaine, avec la récession de l'économie américaine que nous anticipons (cf. : Pourquoi la récession guette pour les pays développés)

Depuis la période d'après-guerre, chaque fois qu'il y a eu deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB réel, la récession a été confirmée par le NBER (National Bureau of Economic Research). Le NBER est l'autorité officielle en matière de datation des récessions américaines, sur la base du suivi d'une variété d'indicateurs macro-économiques.

Jusqu'à présent, il n'a pas annoncé de récession.

La faiblesse du PIB au deuxième trimestre a également été faussée par une diminution importante des stocks après une importante accumulation au cours des trimestres précédents. Il semble donc prématuré de prévoir la fin du cycle sur la base des récentes statistiques décevantes du PIB.

 

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Le modèle d'écarts de production de Schroders, qui mesure les capacités de production inutilisées de l'économie, suggère pour sa part un maintien en phase d’expansion du cycle économique américain (cf. graphique 2 ci-dessous). En effet, les écarts de production sont positifs et en hausse.

Les écarts de production sont la différence entre la production réelle d'une économie et sa production potentielle. Des écarts de production positifs indiquent que l'économie est en train d’épuiser ses capacités de production inutilisées, ce qui accroît les tensions inflationnistes.

Habituellement, la politique monétaire serait resserrée à ce stade pour ramener la production réelle à son potentiel (le niveau maximal de production qu'une économie peut produire sans générer d'inflation), ce que la Fed tente précisément d'orchestrer actuellement.

Au fur et à mesure que l'activité ralentit, l'écart positif commence à se résorber et l'économie entre en phase de ralentissement - même si cela n'est pas encore le cas après un rythme effréné de hausses des taux d'intérêt.

Modèle d'écarts de production de Schroders et phases du cycle économique

Expansion - les écarts de production sont positifs et en hausse

Ralentissement - Les écarts de production sont positifs et en baisse

Récession - les écarts de production sont négatifs et en baisse

Reprise - les écarts de production sont négatifs et en hausse

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Au lieu de cela, des écarts de production actuellement positifs et en hausse reflètent la vigueur du marché du travail, comme en témoigne l'écart de chômage (graphique 3). L'écart de chômage est l'un des facteurs clés du modèle d’écarts de production et nous indique s'il y a moins de chômeurs en comparaison des niveaux historiques.

Les autorités monétaires se prononcent sur ce qu'est le NAIRU (taux de chômage sans accélération de l'inflation), soit le niveau de chômage le plus bas possible avant une hausse de l'inflation dans l'économie.

Il faudra donc une augmentation significative du taux de chômage avant que les écarts de production positifs et croissants ne commencent à se résorber.

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L'économie et les marchés américains présentant des caractéristiques de fin de cycle

Bien que nous anticipions que notre modèle d'écarts de production entrera en phase de ralentissement au début 2023, nous reconnaissons que d'autres secteurs de l'économie américaine présentent déjà des caractéristiques de fin de cycle. La dynamique de croissance a atteint un pic et les enquêtes de conjoncture se sont apaisées tandis que l'inflation s'est accélérée.

Même les performances particulièrement médiocres des marchés sont typiques d'un environnement stagflationniste. La performance du S&P 500 depuis le début de l'année (YTD) est plus cohérente avec les ralentissements passés tels que définis par notre modèle d'écarts de production (cf. graphique 4 ci-dessous).

Les actions pâtissent généralement lors des phases de ralentissement, lorsque la rentabilité des entreprises est mise à mal par une croissance moins soutenue ainsi que par la hausse des coûts liée à la hausse des salaires et des taux d'intérêt.

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Mais l'ampleur du terrain perdu par les actions cette fois-ci a été plus importante que lors des ralentissements précédents. Malgré la solidité des résultats des entreprises, les valorisations se sont nettement repliées.

Cela s’explique par des niveaux élevés d'inflation qui ont conduit à des anticipations plus agressives de resserrement de la politique de la Fed.

Le cycle actuel s'avère assez différent

Nous sommes dans des circonstances assez inhabituelles, dans la mesure où la contraction de l'activité économique cette année s'est produite après une très forte reprise de la croissance après les mesures de confinement liées à la Covid-19. Les données macroéconomiques sont donc retombées à des niveaux plus normaux.

Dans le même temps, l'inflation américaine à 8,5 % est élevée par rapport aux cycles passés. Cela a conduit à des comparaisons avec la période de stagflation des années 1970, lorsque l'inflation avait atteint des niveaux record en raison d'un choc pétrolier.

Contrairement aux années 1970, le déséquilibre entre l'offre et la demande de biens, résultant de la pandémie de Covid-19, est la cause première de l'inflation de ce cycle. Cette situation a été exacerbée par la guerre entre l'Ukraine et la Russie et l'impact sur les chaînes d'approvisionnement résultant de la politique zéro Covid de la Chine.

Il n'est donc pas aisé d'établir des parallèles avec les années 1970, notamment du fait de la vigueur actuelle du marché du travail (cf. graphique 5 ci-dessous).

 

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La tension sur le marché du travail a également été causée par des facteurs résultant de la pandémie, en particulier la baisse du nombre de travailleurs participant au marché du travail.

Tout d’abord, un plus grand nombre de personnes âgées ont décidé de prendre leur retraite anticipée en raison de problèmes de santé. Ensuite, certains travailleurs ont choisi de sortir du marché du travail en raison d'une réévaluation de leurs priorités, telles que la prise en charge de proches. Et enfin, la Covid de longue durée a touché la main-d'œuvre et représente, selon le Brookings Institute, 15 % des 10,6 millions d'emplois non pourvus aux États-Unis.

Certains de ces facteurs pourraient s'atténuer au fil du temps, car la hausse des salaires incite les travailleurs à réintégrer le marché du travail. Mais surtout, le resserrement de la politique monétaire de la Fed pour ramener l'inflation à l'objectif devrait se traduire par un ralentissement plus marqué de la croissance et une hausse du taux de chômage. Cela se traduirait par un retour à un cycle économique plus normal.

Apparence d'un retour à la normale, mais pas encore tout à fait

Nous tablons sur un retour normal du cycle au cours des prochains trimestres, au fur et à mesure que l'économie américaine entrera en récession. Non seulement la croissance du PIB devrait se contracter, mais l'accélération du taux de chômage conduirait d'abord à une contraction des écarts de production, puis à des écarts négatifs. L'inflation aurait également dû fléchir par rapport aux niveaux élevés atteints.

Pour les investisseurs, cela signifierait un retour dans un territoire plus familier où les actions offrent des opportunités de valorisation attractives en période de récession. Dans le même temps, malgré les résultats décevants des entreprises, les actions américaines ont globalement été dopées par la revalorisation du marché.  

Cela se produit lorsque la banque centrale abaisse ses taux d'intérêt en réponse à la détérioration de la croissance et de l'inflation.

Avec le rebond de l'été, les investisseurs ont anticipé (prématurément) un « basculement » de la Fed vers une politique moins restrictive, en faveur de la croissance économique et de son deuxième mandat d'emploi maximum. Cela s'est traduit par une forte revalorisation, qui s'est brutalement inversée lorsque le président de la Fed, Jerome Powell, a balayé les espoirs d'un assouplissement de la politique à court terme.

Il a prévenu que la banque centrale allait « maintenir le cap » en ce qui concerne le relèvement des taux d'intérêt.

Nous pensons toutefois qu'un changement de cap de la Fed est possible vers la fin de l'année prochaine, car la politique sera probablement assouplie pour contrer l'impact d'une récession.

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