Hydrogène 101 : les utilisations, les coûts et les opportunités
En quoi consistent les opportunités autour de l’hydrogène ? Nos experts chez Schroders Greencoat l’expliquent dans cette session de questions-réponses.
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Quels sont les différents types d’hydrogène ?
James Samworth, co-responsable de la transition énergétique chez Schroders Greencoat, indique :
L’hydrogène peut être fabriqué selon différentes méthodes, généralement identifiées par un schéma de couleurs.
Nous nous concentrons principalement sur ce que l’on appelle l’hydrogène vert, c’est-à-dire la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau en utilisant de l’énergie renouvelable comme source d’entrée. L’électrolyse est le processus qui consiste à utiliser l’électricité pour séparer l’eau en hydrogène et en oxygène.
Les autres types d’hydrogène, comme le rose ou le bleu, dépendent de la façon dont ils sont fabriqués.
L’hydrogène rose est également fabriqué par électrolyse de l’eau, mais la source d’électricité provient de l’énergie nucléaire.
L’hydrogène brun constitue un autre type d’hydrogène, produit à partir de la gazéification du charbon.
Aujourd’hui, la plupart de l’hydrogène est de l’hydrogène gris, produit par un processus de reformage du méthane à la vapeur.
L’hydrogène bleu utilise le même processus : le gaz fossile comme matière première, mais en capturant et en stockant le dioxyde de carbone. Le Royaume-Uni a une politique légèrement différente de celle de l’Europe en ce qui concerne l’hydrogène bleu, avec pour objectif de produire des volumes comparables de ces deux types d’hydrogène, alors que l’Europe se concentre davantage sur l’hydrogène vert. Nous pensons que c’est principalement parce que le Royaume-Uni estime qu’il dispose de meilleures réserves de stockage pour le dioxyde de carbone (CO2) dans la mer du Nord et peut-être de légers avantages concurrentiels dans le domaine du pétrole et du gaz.
C’est également le cas dans certaines régions des États-Unis, mais selon nous, c’est l’hydrogène vert qui finira par l’emporter.
Comment l’hydrogène est-il utilisé ?
James Samworth : L’hydrogène est aujourd’hui utilisé dans de nombreux secteurs et sa production en fait un important émetteur de dioxyde de carbone (CO2). La molécule d’hydrogène est très flexible et peut être utilisée comme matière première pour de nombreux processus. Dans certains cas, elle sera utilisée directement comme de l’hydrogène, par exemple dans l’industrie sidérurgique, qui représente 9 % des émissions mondiales, ce qui en fait une industrie importante à décarboner.
L’hydrogène peut également être relativement facilement transformé en ammoniac, qui constitue aujourd’hui le plus grand marché de l’hydrogène et est utilisé comme engrais. Mais l’ammoniac pourrait également être utilisé comme carburant pour le transport maritime, par exemple, qui est également un gros émetteur de CO2 (environ 6 % des émissions mondiales de CO2).
L’ammoniac peut aussi être utilisé comme vecteur de transport, car l’hydrogène pur est assez coûteux à transporter, étant donné qu’il s’agit d’une petite molécule dont la compression et la liquéfaction sont très onéreuses.
L’hydrogène peut également être combiné au CO2. Cette combinaison peut être mélangée à presque n’importe quelle partie de la chaîne pétrochimique, selon les besoins. Le plus simple est le e-méthanol, utilisé dans le transport maritime ou dans l’industrie des plastiques et des produits chimiques. Ou des dérivés légèrement plus avancés comme le carburant d’aviation durable, qui est en fait du e-kérosène, ou d’autres e-carburants pour le transport routier lourd.
Quelles sont les industries qui utilisent l’hydrogène vert ?
James Samworth : Les industries tournées vers le consommateur ont fait figure de pionnières. Leur processus de décarbonation a été motivé par des facteurs d’ordre économique, mais aussi dans un souci d’image de marque et pour des considérations ESG. Il s’agit notamment de certaines entreprises du secteur du papier, ainsi que de certains fabricants de produits alimentaires et de boissons. Les grands secteurs industriels commencent à bouger à mesure que les programmes de subvention se renforcent, ce qui entraînera une montée en puissance rapide.
Comment fonctionne l’économie de l’hydrogène ?
James Samworth : Avec l’hydrogène, vous avez un approvisionnement physique. Un accord d’approvisionnement est un accord entre un producteur et un acheteur pour l’achat ou la vente d’une partie des produits à venir du producteur. Vous devez donc vendre votre hydrogène à un client. Les implications pour les projets sont multiples.
En règle générale, il faut des accords à long terme pour ces approvisionnements, idéalement avec des contreparties solvables, et les normes dans ce domaine seront donc un facteur important de l’évolution du secteur.
Mais il faut essentiellement produire de l’hydrogène de manière prévisible à partir de bonnes infrastructures et assurer une certaine stabilité des prix pendant de nombreuses années.
Nous nous attendons à ce que la majeure partie de cette stabilité provienne de subventions du gouvernement ou de mécanismes de stabilité tarifaire, comme ce fut le cas au cours des 20 premières années de développement des énergies renouvelables. Le facteur supplémentaire est que vous dépensez beaucoup d’énergie, et qu’il est donc très important d’optimiser le coût de cette énergie.
En termes relatifs, pour 100 euros de revenus générés par un projet aujourd’hui, 65 euros sont dépensés en électricité. Il faut s’assurer qu’il n’y a pas de risque de base entre les deux. Ils doivent tous deux être fixes ou liés au même indice et faire l’objet d’un contrat pour vous fournir un revenu sûr.
Les actifs en phase de développement présentent des risques de construction, tant en ce qui concerne l’estimation des dépenses d’investissement (capex) que la comparaison de ces dépenses avec les résultats obtenus. Les activités sur le site sont relativement bien rodées, tandis que les coûts de construction peuvent plus facilement devenir incontrôlables. Cependant, la chaîne d’approvisionnement n’est pas encore arrivée à maturité ; l’industrie est encore assez jeune, ce qui entraîne un certain risque de livraison lors de la construction de ces projets.
Combien coûte l’hydrogène vert ?
James Samworth : L’hydrogène est difficile à comprimer efficacement et à transporter. Cela signifie qu’il est beaucoup plus rentable de pouvoir approvisionner une usine, directement par pipeline, par exemple, que de stocker l’eau sous haute pression comprimée pour que des camions la livrent à différents destinataires par la route.
Ce n’est pas le cas des carburants tels que l’e-méthanol, qui est facilement transportable et qui est déjà transporté dans le monde entier.
Examinons quelques exemples. L’hydrogène vert, à environ 8 dollars le kilo actuellement, est nettement plus cher que l’hydrogène gris. Si l’on fait abstraction du coût du carbone, le coût de l’hydrogène vert diminuera considérablement avec l’augmentation de la production et grâce au développement de la technologie. En effet, les électrolyseurs passent de dizaines de mégawatts à des centaines de mégawatts, sans compter les projets à l’échelle du gigawatt qui sont en cours de développement pour le début des années 2030.
Les avis divergent sur la vitesse à laquelle ces coûts baisseront et sur le niveau qu’ils vont atteindre, mais les chiffres les plus courants indiquent qu’ils se situeront autour de 3 euros le kilo d’ici la fin de la décennie. Cela reste plus cher que l’hydrogène gris et devrait le rester pendant un certain temps.
Les estimations varient également en ce qui concerne les investissements nécessaires dans les énergies renouvelables à l’échelle mondiale pour atteindre la neutralité carbone. Mais nombreux sont ceux qui estiment qu’elles pourraient s’élever à environ 10 000 milliards de dollars d’ici à 2050. En outre, il faudra investir entre 5 000 et 7 000 milliards de dollars dans l’hydrogène. La taille de l’industrie de l’hydrogène devra être à peu près comparable à celle des énergies renouvelables d’ici à 2050 pour que l’économie soit entièrement décarbonée.
Quel est l’avenir de l’hydrogène ?
James Samworth : L’industrie doit passer par une phase de montée en puissance très importante au cours des dix à quinze prochaines années. Les risques sont nombreux, par exemple en ce qui concerne la technologie et la mesure dans laquelle les recettes et les coûts peuvent être optimisés au fil du temps. Il existe également des risques réglementaires, tels que les changements de normes, bien qu’en Europe et au Royaume-Uni, ces risques diminuent à mesure que les normes commencent à devenir contraignantes. Le risque le plus important concerne probablement l’efficacité de l’électrolyseur.
Quelle est la taille du marché de l’hydrogène en Europe ?
Karin Kaiser, responsable des marchés privés en Europe, Schroders Greencoat, déclare :
Afin d’atteindre le niveau zéro émission nette d’ici 2050, la stratégie de transition énergétique de l’UE se concentre sur quelques domaines. Le premier est la décarbonation de l’électricité, l’électrification de la chaleur et l’électrification des véhicules. L’adoption de l’hydrogène pour les secteurs difficiles à maîtriser joue un rôle important dans la stratégie européenne.
À court terme, les opportunités de marché sont plus limitées, mais nous pensons qu’au cours des prochaines décennies, les investissements annuels dans l’hydrogène deviendront comparables aux investissements annuels dans les énergies renouvelables. Jusqu’en 2030, l’UE s’est fixé comme objectif une capacité de production annuelle d’environ 20 millions de tonnes. Nous estimons que d’ici 2050, environ 30 % de la demande d’électricité actuelle sera nécessaire à la production d’hydrogène pour l’électrolyse. Cela signifie que nous envisageons un marché global d’environ 2 000 milliards de dollars d’ici 2050, pour atteindre les objectifs d’électrification et d’électrolyse d’ici le milieu du siècle.
Quelle est votre stratégie en matière d’hydrogène en Europe ?
Karin Kaiser : Nous recherchons une exposition à l’ensemble des possibilités offertes par la transition énergétique. Nous combinons l’exposition aux énergies renouvelables, qui est une classe d’actifs très établie et un ensemble d’opportunités très institutionnelles, avec l’exposition à ce que nous appelons les technologies adjacentes.
L’hydrogène constitue la plus grande partie de ce sous-ensemble de technologies adjacentes. Ce qui est essentiel, c’est que l’électricité est un facteur d’investissement important. Cela signifie que vous combinez la production et l’utilisation de l’électricité, ce qui vous permet de gérer vos risques sous deux angles : 1) créer une certitude de flux de trésorerie et un revenu sûr et 2) ajouter des couches supplémentaires de diversification.
Pour notre stratégie en matière d’hydrogène en Europe, trois points sont essentiels : nous aimons beaucoup travailler en partenariat ; nous sommes très activement impliqués dans la supervision de la construction et de la gestion des investissements (environ la moitié de notre personnel est composé d’ingénieurs) ; et nous nous concentrons sur ce que nous connaissons le mieux, à savoir les actifs de production d’électricité à grande échelle.
Qu’est-ce que cela signifie pour notre stratégie actuelle en matière d’hydrogène ?
Du point de vue des produits, nous nous concentrons sur la production et la consommation locales d’hydrogène et d’e-méthanol. Il s’agit probablement des produits les plus matures à l’heure actuelle et les plus susceptibles de produire des flux de trésorerie de type infrastructure.
À court terme, au stade du développement, nous ne cherchons pas à prendre des risques de développement à grande échelle, nous intervenons à un stade avancé du développement et/ou de la construction. Cela garantit un déploiement et un début relativement rapides de la production de revenus sûrs.
Du point de vue de la structure des transactions, nous considérons toujours qu’il s’agit d’une stratégie basée sur les actifs, c’est-à-dire que nous cherchons à investir dans des plates-formes d’actifs ainsi que dans des actifs autonomes.
Quelles sont les initiatives sur lesquelles vous travaillez en Europe ?
Kristian Høeg Madsen, co-responsable de l’hydrogène chez Schroders Greencoat, indique :
La plupart de nos projets visent à être opérationnels d’ici 2030, mais nous constatons déjà que les calendriers des grands projets sont repoussés. Les multiples projets liés à l’hydrogène ne peuvent voir le jour que si des équipements sont effectivement produits.
Nous prévoyons de manière certaine un goulot d’étranglement important dans l’approvisionnement en électrolyseurs. En Europe, les capacités d’approvisionnement en électrolyseurs sont assez diversifiées, avec plusieurs fabricants d’équipements d’origine (OEM) européens de premier plan, en particulier des fournisseurs allemands, ainsi que des producteurs britanniques.
Notre réserve européenne de projets liés à l’hydrogène s’articule autour des principales zones de consommation et de production. En particulier, l’Espagne, le Portugal et les pays nordiques sont largement considérés comme des centrales de production pour la période à venir, principalement en raison du faible prix de l’électricité et d’une forte pénétration des énergies renouvelables.
Nous avons également mis en place un important portefeuille de projets en Allemagne, qui devrait devenir un centre de consommation majeur non seulement pour l’hydrogène, mais aussi pour bon nombre de ses dérivés.
Dans l’ensemble, les produits vont des projets d’hydrogène pur à des projets d’e-carburants tels que l’e-méthanol.
Tous les projets sont axés sur le développement à un stade avancé et au-delà, ce qui garantit essentiellement qu’il y a un laps de temps gérable jusqu’à ce qu’un déploiement réel de capitaux soit requis.
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