Interview : "Faire un saut dans le réel avec le non-coté"
Investir dans les entreprises hors de la Bourse est de plus en plus accessible aux particuliers. Une dose de risque qui peut s'intégrer à l'épargne retraite.
Article écrit par Pascale Besses-Boumard, publié pour la première fois dans le numéro 869 du magazine Challenges du 3 avril 2025. Il est téléchargable dans sa version d'origine au moyen du bouton ci-dessus.
L'investissement dans le non-coté est sur toutes les lèvres des professionnels de la gestion d'actifs. Mais ce placement très particulier a-t-il la cote auprès du public ? Pas vraiment : selon une récente enquête de Natixis IM sur la gestion de patrimoine, 88 % des portefeuilles sont constitués d'actifs cotés, contre 12 % de privés, c'est-à-dire hors des marchés boursiers. Un désamour qui pourrait changer avec le développement de l'épargne retraite. « En France, 72 % des experts estiment que les nouvelles structures d'investissement facilitent l'accès aux actifs privés pour les particuliers, contre 66 % au niveau mondial, détaille le sondage. 81 % des conseillers français voient dans l'épargne retraite un levier idéal pour intégrer ces actifs. » Avec l'arrivée de la loi Industrie verte, qui contraint les détenteurs de contrats d'assurance-vie et de PER à disposer d'investissements en actifs réels (entreprises non cotées) lorsqu'ils sont en gestion pilotée, l'essor de cette classe d'actifs est assuré.
LES FONDS DE DETTE PRIVÉE
L'investissement dans des pépites susceptibles de réserver les meilleures surprises peut se faire de deux manières. Soit en prenant des participations en actions, soit en souscrivant leurs émissions obligataires. Dans ce second cas, c'est ce que l'on nomme la dette privée. Cette pratique se développe dans le monde et a donné l'idée aux gérants de créer des fonds regroupant des obligations de sociétés sélectionnées. « L'avantage de la dette privée par rapport à l'investissement en actions ou dans l'immobilier, explique Yves Desjardins, directeur général de Schroders France, c'est que l'on est sûr qu'elles seront remboursées à l'échéance, en ayant distribué au passage des coupons réguliers. C'est un gage de sécurité particulièrement appréciable. »
Certes, le risque de défaut existe, mais un fonds compte généralement un grand nombre d'entreprises, et la défaillance de l'un des maillons est peu susceptible de mettre à mal l'ensemble.
Le champ des possibles est important, puisque ces investissements peuvent concerner tous types d'entreprises à la recherche de financements pour accélérer leur développement. A noter, toutefois, que ce placement s'inscrit dans un temps long (de cinq à dix ans au minimum) et qu'il est donc peu liquide.
Par ailleurs, les fonds sont susceptibles d'imposer des frais de gestion et de performance plus élevés que les placements traditionnels, ce qui peut réduire les rendements nets pour les investisseurs.
LES FONDS DE FONDS
Pour démocratiser l'investissement en non-coté tout en offrant des performances jusqu'à présent réservées à des investisseurs professionnels aux poches profondes, il existe aujourd'hui une nouvelle catégorie de placement : le fonds de fonds. Plusieurs établissements ont fait de cette offre une spécialité, à commencer par Peqan et Altaroc. Ce dernier travaille à ce jour avec 19 gérants parmi les incontournables de leur marché et détient un portefeuille de fonds qui ont participé au financement de plus de 400 entreprises dans le monde. Après avoir collecté 1,4 milliard d'euros à travers ses quatre premiers millésimes, il vient d'en lancer un cinquième.
Un nombre croissant de sociétés de gestion, family offices et banquiers privés proposent également une telle option en ayant recours à des acteurs travaillant en B to B. C'est le cas d'AirFund ou de Private Corner, qui sélectionnent pour leurs clients des fonds de private equity qu'ils vont agglomérer dans un autre fonds. Ces produits sont généralement fermés et disponibles à partir de 100 000 euros (le FCPR de Peqan est, lui, accessible dès 10 000 euros, avec 5 % de frais d'entrée). « Depuis le dernier trimestre 2024, la demande pour les fonds de fonds se redresse, avec une offre de plus en plus riche, signale Estelle Dolla, présidente et cofondatrice de Private Corner, plateforme qui propose des fonds de private equity destinés aux infrastructures. Le premier trimestre 2025 s'avère dynamique, avec des chiffres inédits depuis notre création il y a cinq ans. »
L'avantage du fonds de fonds est qu'il donne accès à un grand nombre de stratégies d'investissement dans le non-coté. « La diversification est le maître mot d'une bonne allocation de ses actifs, assure Yann Char-raire, directeur général délégué de la fintech AirFund. Le non-coté est parfait pour cela. En outre, les actifs sélectionnés sont concrets, faciles à comprendre, ce que recherchent nombre d'investisseurs particuliers. »
Par exemple, le gérant d'actifs Sien-na IM (Groupe Bruxelles Lambert) commercialise un fonds de fonds evergreen, c'est-à-dire ouvert en permanence à la souscription, investi à 70 % dans des entreprises d'infra structures, les 30 % restants étant constitués de titres liquides - essentiellement des produits monétaires - qui permettent d'offrir une liquidité permanente. « L'arrivée de la loi Industrie verte est une véritable révolution dans l'univers du non-coté, soutient Xavier Collot, directeur général des actifs cotés et hybrides de Sienna IM. C'est la raison pour laquelle toute la profession de la gestion se met en ordre de marche pour répondre à cette demande en devenir. »
LES ELTIFS 2.0
Un nouveau véhicule de placement dans le non-coté a fait son apparition : l'Eltif 2.0 - pour fonds européen d'investissement à long terme -, qui fait le lien entre marchés cotés et marchés privés. « Il offre un accès élargi aux investissements de long terme, en démocratisant le financement des PME et en préservant la liquidité », décrit Jean- David Haas, directeur général de NextStage, qui s'est associé à Amundi et CPR pour commercialiser un Eltif nouvelle génération.
Cette enveloppe, dont l'objectif est de financer des entreprises stratégiques, est destinée aux particuliers. Ses règles de fonctionnement viennent d'être assouplies afin de toucher plus facilement un large public. A la différence de la plupart des autres fonds de private equity (fonds de fonds, d'infrastructures, etc.), les Eltifs sont ever-green, donc toujours accessibles à la souscription. Le ticket d'entrée est bas, à 500 euros en moyenne, mais attention aux frais de gestion qui peuvent être très élevés.
« On voit actuellement fleurir un grand nombre d'Eltifs 2.0, observe Mara Dobrescu, responsable de la recherche sur les fonds obligataires de Morningstar. Mais il faut faire très attention à la société de gestion émettrice, car toutes ne sont pas spécialisées dans le non-coté, et plus spécialement dans la dette privée. » L'experte fait également remarquer que pour contrebalancer une tendance générale à la baisse de leurs frais de gestion, certaines sociétés pratiquent ici des niveaux de commissions de performance et de frais qui ne sont pas à l'avantage du souscripteur. « Il faut savoir qu'un Eltif est moins pur qu'un fonds de private equity classique, soutient pour sa part Yann Charraire. Des titres cotés ou de trésorerie y sont incorporés afin de favoriser la liquidité. De même, le portefeuille comporte en général plusieurs centaines de participations, ce qui aura tendance à lisser la performance. Et de conclure : Tout le monde ne sera pas gagnant, car il y a trop d'offres. »
L'Eltif 2.0 a toutefois le mérite d'être un produit simple, qui s'inscrit au niveau européen. « Ce véhicule a toutes les chances de devenir un véritable succès », lance Yves Desjardins, qui vient de lancer un tel fonds spécialisé dans la dette d'infrastructures. La demande pour cet outil éligible à l'assurance-vie ainsi qu'au PER devrait donc rapidement s'accélérer. Pour prendre un exemple, le fonds Eiffel Infrastructures Vertes, qui vient de se transformer en Eltif 2.0, finance les actifs de transition énergétique en Europe et enregistre une performance nette de 16,54 % depuis la création du fonds en 2022 et de 7,39 % sur un an glissant. Sienna IM prépare aussi la commercialisation d'un Eltif 2.0 qui sera un fonds de dette privée pour financer les industriels du secteur de la défense. L'objectif de rendement est compris entre 8 et 10 % par an.
« La particularité du placement dans le non-coté est qu'il permet de profiter d'une prime d'illiquidité, prime qui sera toutefois forcément moins importante pour les Eltifs, véhicules plus liquides », prévient Xavier Collot. En ayant décidé de flécher les investissements de cet Eltif vers des entreprises de la défense, ce gérant d'actifs est tout à fait dans l'actualité.
NOTRE NOTATION
Nous avons attribué à chaque produit un indicateur (de 1 à 5) de risque, de liquidité et d'accessibilité (montant minimal d'investissement) pour que chacun choisisse celui qui lui correspond.
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