L'émergence de nouveaux investisseurs crée des opportunités de surperformance pour la gestion active
Les gérants actifs ont plus d’opportunités de surperformer que ne le suggère la notion répandue du « jeu à somme nulle », et cette tendance pourrait continuer à s'améliorer.
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La notion du jeu à somme nulle est très souvent utilisée pour critiquer la gestion active, mais son utilisation est excessive, incorrecte et sa compréhension, mauvaise. De plus, nos nouvelles recherches sur les changements de structure et des participants des marchés boursiers suggèrent que les gérants actifs pourraient avoir plus d’opportunités de surperformance dans les années à venir que par le passé, et ce, même sur le marché des États-Unis, qui est le marché le plus exigeant.
En quoi consiste la notion du jeu à somme nulle ?
Le marché est composé de deux types d’investisseurs : les investisseurs actifs et les investisseurs passifs. Les investisseurs passifs bénéficient du rendement du marché. Les investisseurs actifs, dans l’ensemble, doivent aussi obtenir le rendement du marché car la somme des deux types d'investissement doit égaler le marché.
Pour qu’un investisseur actif surperforme, un autre doit sous-performer : ils sont en compétition les uns avec les autres. Puisque les gérants actifs facturent des frais plus élevés que les gérants passifs, les investisseurs actifs doivent globalement sous-performer les investisseurs passifs, nets de frais.
Même si cela semble logique, ce principe finit souvent par être mal appliqué.
Qu’est ce qui est mal compris dans la notion du jeu à somme nulle ?
Il n’est pas rare d’opposer tous les investisseurs passifs d’un côté et les gérants de fonds actifs de l’autre. Mais le diable est dans les détails : techniquement, les investisseurs passifs dans la notion du jeu à somme nulle sont ceux qui achètent chaque action proportionnellement à son poids de capitalisation boursière. Par exemple, si une action représente 5 % du marché, elle représente 5 % du portefeuille de l’investisseur. Dans la notion du jeu à somme nulle, quiconque ne suit pas le marché élargi de cette manière devrait se placer du côté de l'investisseur actif.
Il est évident qu'il ne s'agit pas ici uniquement des gérants de fonds actifs, et cette évidence rend étrange le recours à cet argument comme critique académique de l’industrie de la gestion active de fonds.
Par exemple, entre dans cette catégorie toute personne prenant des décisions sectorielles, de style, de pays, de durabilité/ESG, thématiques ou autres décisions d’allocations. Selon la notion du jeu à somme nulle, un investisseur qui achète un ETF technologique est de fait un investisseur actif. Même s'il s'agit d'une structure passive, l’investisseur finit par avoir un portefeuille qui s’éloigne des pondérations générales du marché. Cela inclut également les investisseurs particuliers qui choisissent des actions individuelles. Les actions mèmes étaient un exemple extrême, mais le raisonnement s’applique de façon plus générale.
Dans sa formulation initiale de la notion de jeu à somme nulle, en 1991, le célèbre universitaire William Sharpe l’affirme lui-même explicitement, mais de nombreux lecteurs ne vont pas aussi loin dans l’article ou choisissent de l’ignorer :
« Les gérants actifs peuvent ne pas représenter pleinement la composante « non passive » du marché en question... Il est bien sûr possible que la valeur moyenne des investissements en dollars gérés activement par des professionnels ou des institutionnels surperforme la valeur moyenne des investissements en dollars gérés passivement, après coûts ».
De plus, la notion de jeu à somme nulle s’applique à l’ensemble des investisseurs actifs et ne laisse pas entendre qu’un sous-ensemble d’investisseurs actifs, ou même l’investisseur actif moyen ou médian, ne peut pas surperformer l'investisseur passif.
Tout cela ne signifie pas qu'ils le feront, bien sûr. Mais ce n'est pas une impossibilité mathématique comme cela est souvent suggéré.
Ce qui a changé : l’émergence des investisseurs « néo passifs »
Les arguments ci-dessus auraient pu être évoqués à n’importe quel moment de l’histoire. Mais ce qui a changé récemment, c’est l’augmentation du nombre d’investisseurs qui entrent dans la catégorie des investisseurs actifs, sans être des gérants actifs de fonds actions. Par conséquent, il semble possible d’accorder une plus grande confiance aux perspectives à venir des gérants de fonds actifs.
Tout d’abord, il y a eu, ces dernières années, une multiplication d'ETF qui ne suivent pas le marché élargi, appelés les « néo-passifs ». Aux États-Unis, par exemple, il y en a aujourd’hui plus de six fois plus que les ETF traditionnels, et les flux entrants dans ces stratégies ont été 50 % plus élevés que ceux des ETF traditionnels entre début 2018 et fin juillet 2024.
Les allocations de la part de ces ETF aux plus grandes actions du marché américain en soulignent les conséquences. C’est ce que le graphique ci-dessous démontre pour les 10 ETF neo-passifs d’actions américaines qui ont eu les flux les plus élevés sur cinq ans, au 30 septembre 2024. Ces 10 ETF représentent environ la moitié de tous les flux entrants vers les ETF néo-passifs au cours de cette période.
L’étendue du positionnement est large. La plus grande surpondération d’Apple est d’un peu plus de +2 %, et la plus grande sous-pondération est de -7 % (certains ne détiennent pas du tout Apple).
Que l’on ne s’y méprenne pas : l’essor des stratégies néo-passives se traduit par des décisions actives de sélection de titres, consciemment ou non.
Ce qui a changé : le retour des stock-pickers parmi les particuliers
L’essor des investisseurs particuliers a également eu un impact. Accélérée par le passage au trading sans commission chez un certain nombre de grands courtiers américains (souvent par le biais d’applications), la participation des investisseurs individuels sur le marché boursier a fortement augmenté. Cette tendance s’est accélérée pendant le Covid, lorsque le temps et l’argent se sont fait moins rares pour de nombreux particuliers. La saga Gamestop a amené des discussions sur le trading et l’investissement dans de nombreux ménages.
En 2023, le nombre d'investisseurs particuliers disposant de comptes titres auprès d’un groupe de pairs composé de quatre grands courtiers a plus que doublé par rapport à 2016.
Bien que le nombre d’utilisateurs actifs mensuels des principales applications de courtage ait chuté par rapport à son pic durant le Covid, il reste supérieur de plus de 60 % au niveau de 2018. Contrairement à de nombreuses autres tendances post-pandémie, l’intérêt des américains pour l’investissement a perduré.
Un certain nombre de ces investisseurs particuliers pourraient n’acheter que des ETF du S&P 500, mais les faits semblent indiquer le contraire. Les données de l’enquête sur les finances des consommateurs de la Réserve fédérale montrent que la part des actions détenues directement dans l'ensemble des actifs financiers a augmenté, atteignant des niveaux proches de ceux observés au sommet de la bulle Internet. Ce chiffre ne comprend que les actions détenues directement et n’inclut pas les fonds communs de placement ou les ETF.
Cette enquête n’a lieu que tous les trois ans et la prochaine série de résultats sera publiée en 2026 seulement. Cependant, compte tenu de l’enthousiasme suscité par les « Sept Magnifiques »1 américains, il est facile d’imaginer que ce chiffre augmentera encore au cours des prochaines années.
Une autre problématique : les transactions
La notion de jeu à somme nulle repose également sur l’idée selon laquelle tout investisseur peut réellement être « passif » au sens où William Sharpe le définit, ce qui ne reflète pas non plus la réalité. Il n’est pas possible d’obtenir le rendement du marché en investissant de l’argent selon la pondération de chaque action dans un indice de référence donné et en s’endormant pour laisser le marché faire le reste.
Qu’en est-il des introductions en bourse ? Des promotions ou rétrogradations d’un marché à l’autre, comme des actions de grande capitalisation par rapport aux actions de petite capitalisation ? Ou d’autres changements, comme la décision de MSCI, il y a quelques années, d’augmenter la part de la capitalisation boursière des « actions A » chinoises incluses dans ses principaux indices de référence ?
Tous ces types de transactions créent des opportunités pour un transfert de richesse des investisseurs passifs vers les investisseurs actifs. Les investisseurs actifs peuvent effectuer des transactions en anticipation des changements d'indices puis vendre aux investisseurs passifs lorsqu’ils deviennent des acheteurs forcés. Le rééquilibrage indiciel entraîne une augmentation des volumes de transactions et une variabilité des prix des actions concernées, et est souvent utilisé par certaines stratégies actives. Les investisseurs actifs sont également en mesure de participer à des introductions en bourse, ce qui n’est généralement pas le cas des investisseurs passifs qui sont contraints d’acheter sur le marché secondaire. Toutes les transactions engendrent des coûts.
Alors que les nouveaux entrants et les sortants des indices de référence des marchés développés à grande capitalisation sont relativement peu nombreux (à quelques exceptions près, comme le boom des introductions en bourse de 2021), ils sont beaucoup plus importants dans d'autres domaines. Par exemple, les indices de référence des petites capitalisations ont des niveaux de rotation de l’indice (la variation en pourcentage de la composition d’un indice) beaucoup plus élevés, tout comme les indices des marchés émergents et les indices ESG.
C’est un enjeu encore plus important sur les marchés obligataires que sur les marchés actions, car les entreprises émettent régulièrement de nouvelles obligations. Suivre l’évolution de la composition de l’indice est l’une des raisons pour lesquelles de nombreux ETF obligataires passifs présentent un mauvais bilan en matière de suivi de leurs indices de référence. L’un des plus grands ETF de dette à haut rendement a sous-performé son indice de référence de 0,6 % par an sur les cinq dernières années à fin décembre 2024, de 0,9 % par an sur 10 ans et de 1,5 % par an depuis sa création en 2007. Ces écarts sont bien plus importants que son ratio de frais.
En résumé
De nombreux détracteurs de la gestion active des fonds utilisent la notion du jeu à somme nulle pour faire valoir qu’il est mathématiquement impossible pour les gérants de fonds actifs de surperformer les fonds passifs, nets de frais. Cet article a pour but d'en démontrer le contraire.
De plus, l’augmentation du nombre d’investisseurs et de la valeur des investissements qui ne sont pas alloués en fonction des pondérations générales du marché permet d'être plus optimiste qu'auparavant quant à l’avenir de la gestion active.
Cela ne garantit pas que tous les gérants de fonds réussiront à surperformer, mais cela montre qu'il ne faut pas présumer qu'ils en sont incapables.
Il est désormais temps de remettre en question les croyances sur la gestion active et passive, même sur des marchés considérés comme « efficients ».
1 Le terme « Sept Magnifiques » désigne Nvidia, Meta Platforms, Amazon, Apple, Alphabet, Microsoft et Tesla.
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