
En résumé :
- Malgré le raffermissement de l’activité mondiale, l’inflation demeure anémique, ce qui explique la consternation desresponsables politiques dont les modèles ont prévu un regain des pressions sur les salaires et les prix. Nous allons examiner certaines des différences structurelles dans ce contexte et conclure qu’il est trop tôt pour se débarrasserde la courbe de Phillips.
- Bien qu’un grand nombre des obstacles politiques majeurs en Europe aient été désormais surmontés, lesévènements en Espagne montrent que le risque politique reste bien présent. Ces risques sont pour le momentcontenus, notamment grâce au programme d'assouplissement quantitatif (QE) qui devrait être conservé jusqu’en2018, avant d’être abandonné progressivement l’année suivante.
- La diversification devrait réduire le risque en protégeant les portefeuilles contre les risques propres aux paysémergents. Pourtant, la corrélation historique entre les marchés émergents montre que la diversification ne jouepas toujours son rôle, et que les faibles corrélations actuelles sont une anomalie.
Une économie qui tourne à plein régime
Bien des choses peuvent changer en un an. L’an dernier, les réunions annuelles du Fonds monétaire international (FMI) à Washington ont été caractérisées par des doutes à l’égard des perspectives de l'économie mondiale. Cette année, le FMI a revu ses prévisions à la hausse et le thème abordé lors de ses réunions était « la quête d’une croissance durable ». Les indicateurs avancés laissent à penser que la croissance restera soutenue, essentiellement en raison de la nature synchrone de la reprise actuelle aux États-Unis, en Europe et au Japon, trois régions ayant signé de solides performances.
La politique monétaire accommodante a certainement joué un rôle, tout comme le redressement des prix des matières premières et la performance résistante de la Chine. Nous avons également observé une reprise des intentions d’investissement, notamment aux États-Unis. Bien que la période actuelle d’expansion soit l’une des plus longues de mémoire d’historien, c’est également une période durant laquelle les dépenses d’investissement américaines ont compté parmi les plus faibles, notamment celles des entreprises. Cette situation s’explique par l’évolution de la répartition de la croissance américaine (plus de croissance des services à forte intensité de main d'oeuvre, moins d’activité manufacturière à forte intensité en capital) et par la difficulté à mesurer le coût de la technologie.
L’inflation rend toujours perplexe : doit-on laisser de côté la courbe de Phillips ?
Le redressement de la croissance mondiale a dopé la confiance et les marchés, mais les investisseurs et les banques centrales demeurent déconcertés par le comportement de l’inflation. Compte tenu du durcissement des marchés de l’emploi, la plupart d’entre eux s’attendait à observer le début d’une accélération des salaires et de l’inflation. Or nous avons affaire à une reprise « digne d’un conte de fées » où l’activité économique n’est pas suffisamment en surchauffe pour tirer les prix à la hausse.
La courbe de Phillips est au coeur du débat. Elle décrit la relation entre le chômage et la croissance des salaires. En d’autres termes, un recul du chômage entraîne une hausse de la croissance salariale, et inversement. Or le problème est que cette assertion ne s’est pas vérifiée durant le cycle actuel, et comme l’ont avancé certains spécialistes, elle ne s'est pas vérifiée pendant au moins deux décennies1. Ce constat a donné naissance à ce que l’on peut baptiser une crise intellectuelle au sein des banques centrales, où la courbe de Phillips était considérée comme une boussole permettant de guider la politique monétaire.
Une boussole plus efficace serait utile
De manière générale, les économistes sont divisés sur l’utilité de la courbe de Phillips aujourd’hui. D’après le premier groupe, les banques centrales doivent simplement reconnaître que la relation ne fonctionne pas et qu’il faut choisir un autre indicateur permettant d’orienter la politique. D’après le deuxième groupe, il est préférable de conserver cet indicateur, mais de renforcer les efforts sur la compréhension des facteurs. Il s’agit donc de choisir entre une amélioration du fonctionnement de la boussole ou sa mise au rebut.
D’après nous, les banques centrales ne devraient pas abandonner la courbe de Phillips. Outre la question de savoir par quoi la remplacer, la marge de manoeuvre est grande pour améliorer le cadre actuel. À titre d’exemple, l’ajustement du chômage sur la base de facteurs tels que le travail à temps partiel ou les contrats temporaires pourrait fournir de meilleures indications sur les pressions salariales et inflationnistes. Il peut s’avérer également plus utile d’utiliser des écarts de production mondiaux et non locaux. Les mois prochains pourraient servir de test clé puisque les signes de vigueur de l'économie mondiale susmentionnés pourraient accroître le durcissement du marché de l'emploi. Une boussole plus efficace s’avèrera alors utile.
Zone euro : un risque politique toujours sous-jacent
Les principaux obstacles politiques qui avaient contenu les actifs risqués européens sont désormais franchis. En revanche, certains évènements en Autriche, en Espagne et en Italie témoignent de la tendance persistante d’un sentiment populiste, nationaliste et désormais régionaliste.
En Autriche, bien que le FPÖ (Parti de la liberté, extrême droite) ait récemment perdu les élections législatives, il pourrait faire son entrée au gouvernement dans le cadre d’une coalition de droite. En Espagne, nous ne pensons pas que les Catalans obtiendront l’indépendance de leur région, du moins pas sans l’accord du reste de l’Espagne. Mais les incertitudes entourant une sécession potentielle de la région catalane pourraient peser sur la croissance. Durant le mois, des référendums ont également été organisés en Lombardie et en Vénétie en Italie, au cours desquels les électeurs ont soutenu les réformes en faveur d’une plus grande autonomie de ces régions. Bien que ces référendums n’aient rien à voir avec une quelconque forme de séparatisme, ils pourraient ouvrir la voie à une telle éventualité à l’avenir. Après tout, c’est l’organisation d’un référendum sur le statut d’autonomie de la Catalogne en 2006 qui est indirectement à l’origine de la situation à laquelle l’Espagne se trouve aujourd’hui confrontée.
Le risque politique reste sous-jacent, comme l’ont montré ces évènements, mais ces risques devraient être contenus et avoir un impact limité sur les marchés.
Marchés émergents : la diversification protège-telle de la contagion ?
La thèse de la diversification semble fragile, mais les horizons d’investissement jouent un rôle important
Nous avons été amenés à nous poser deux questions à la suite de la découverte initiale que les corrélations des actions entre marchés émergents étaient sensiblement inférieures à leur moyenne à long terme durant la période postérieure à la crise financière internationale. L’une des questions était de savoir si les crises avaient été marquées par une forte augmentation des corrélations, l’autre était de savoir si l’ampleur de la contagion avait diminué après la crise financière internationale. L’objectif final était de déterminer si la diversification au sein des marchés émergents était un outil de couverture utile, ou si les corrélations pourraient augmenter lors de la prochaine crise.
Une analyse des corrélations sur les périodes de crise et d’expansion a peu appuyé l’hypothèse que la corrélation était élevée entre marchés émergents uniquement lors de périodes de crise extrême. Nous avons identifié certains marchés dont les corrélations étaient sensiblement supérieures, ce pourquoi nous n’excluons par cette éventualité, mais cela ne semble pas être un thème suffisamment dominant pour constituer la base d’une stratégie d'investissement. Pour résumer, si vous êtes satisfaits des propriétés de couverture de votre portefeuille en dehors de périodes baissières, les choses devraient peu changer en cas de survenance d’une crise. Une possibilité qui n’est pas évoquée ci-dessus est que les corrélations peuvent fluctuer plus fortement à des horizons plus courts. C’est pourquoi une réserve s’impose peut-être ici, à savoir que cette affirmation s’applique uniquement aux investisseurs disposés à passer outre la volatilité à court terme.
S’agissant de la seconde question, nous concluons qu’en moyenne les canaux de contagion entre les économies émergentes se sont élargis au fil du temps, ce qui semble logique dans un contexte de mondialisation où les pays deviennent plus profondément interdépendants sur les chaînes d'approvisionnement mondiales et plus intégrés avec la finance internationale. Cela semble s’appliquer le plus à l’Asie émergente (avec ou sans la Chine), de sorte que les crises dans cette région pourraient être plus facilement transmises aujourd’hui qu’il y a 10 ou 15 ans.
Maintenant que nous avons répondu à ces deux questions, nous nous trouvons face à une énigme : pourquoi les corrélations sont-elles inférieures depuis la crise financière internationale ? Pour répondre, nous serions tentés par l’hypothèse qu’une réduction de la volatilité attribuable aux programmes mondiaux d’assouplissement quantitatif a réduit les corrélations statistiques, même si les mécanismes de transmission demeurent plus forts que jamais. Une implication possible de cette situation serait que le retrait du QE et l’augmentation ultérieure de la volatilité pourrait porter les corrélations entre les actions émergentes à leurs anciens niveaux, diminuant ainsi les avantages actuels de la diversification entre marchés émergents.
Rappelons que nous n’avons pas étudié le comportement à plus court terme des corrélations entre marchés émergents, de sorte que nos conclusions ne signifient pas que les opérations de valeur relative au sein des marchés émergents ne fonctionneront jamais. D’ailleurs, un grand nombre d’investisseurs peuvent et réussissent à générer de la performance grâce à ces transactions. Par ailleurs, les corrélations sont suffisamment faibles actuellement pour que la diversification porte ses fruits. Mais à mesure que les banques centrales internationales commencent à abandonner leurs politiques d’assouplissement quantitatif, les investisseurs visant le long terme sont invités à suivre la situation.
1 Nous vous invitons à lire le document « Through the looking glass », dont l’auteur est Claudio Borio de la Banque des règlements internationaux et qui est une transcription d’une conférence qu’il a tenue à OMFIF City le 22 septembre 2017.À consulter ici.
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