Q&R : Pourquoi les actifs non cotés devraient-ils avoir une place dans les portefeuilles de gestion privée ?
Jack Wasserman traite les avantages potentiels (et les risques) d’une allocation aux actifs privés.
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Qu'il s'agisse de l'intelligence artificielle, de la transition énergétique ou simplement de la volonté de bénéficier d'éxpositions inaccessibles sur les marchés cotés, les investisseurs professionnels ont de nombreuses raisons d'envisager les actifs privés pour leurs clients.
D'un autre côté, les investisseurs doivent être conscients des risques qui y sont associés. Nous examinons les principaux développements de l’investissement sur les marchés privés et les considérations pratiques pour les investisseurs qui font leurs premiers pas sur les marchés privés.
Comment définiriez-vous les actifs privés ?
Les actifs privés recouvrent un large éventail d’investissements, mais ils désignent, dans leur définition la plus simple, les investissements qui ne sont pas négociés sur les marchés cotés.
Les principales classes d’actifs privés sont les suivantes :
Le Private Equity : des investissements dans des entreprises privées, des petites startups aux grandes entreprises matures qui restent privées plus longtemps. Ces investissements ne sont pas accessibles à tout le monde.
Les actifs réels, comprenant l’immobilier et les infrastructures : des immeubles de bureaux ou logistiques aux parcs éoliens et solaires, il s’agit d’investissements tangibles qui peuvent fournir des flux de trésorerie fiables avec une excellente protection contre l’inflation.
Les instruments de dette : des prêts directs à des entreprises ou à des projets privés.
Comment l’accès aux marchés privés s’est-il amélioré pour les investisseurs non institutionnels ?
La frontière entre marchés privés et marchés cotés commence à s’estomper, car les investissements privés deviennent de plus en plus accessibles à un public plus large. Ce changement est alimenté par des structures innovantes, par une harmonisation réglementaire et par de nouvelles technologies, telles que la tokenisation et les plateformes en ligne, qui utilisent des solutions technologiques pour lever les obstacles.
En tant qu’opportunité d’investissement, les actifs privés existent depuis longtemps dans les portefeuilles institutionnels ainsi que dans les family offices plus sophistiqués. Cette tendance s’étend à de nouveaux domaines, tels que la gestion de patrimoine. Par exemple, le cabinet de conseil en gestion Bain & Company estime que, d’ici 2032, environ 30 % des actifs mondiaux sous gestion pourraient être investis dans des placements alternatifs, dont une part importante dans des actifs privés. De son côté, JP Morgan a récemment publié une enquête sur les family offices, qui montre une allocation moyenne de 45 % aux actifs privés.
Il est indéniable, cependant, qu’un plus grand nombre d’investisseurs peuvent désormais accéder aux marchés privés, ce qui nécessite, par conséquent, une plus grande sensibilisation. Les marchés privés sont là pour durer, et nous nous attendons à l’avenir à ce qu’ils jouent un rôle plus important dans notre paysage d’investissement.
Quels sont les avantages et les inconvénients des principales catégories d’actifs privés ?
Les marchés privés offrent un large éventail de thèmes d’investissement, inaccessibles sur les marchés cotés. Par exemple, environ 90 % des entreprises aux États-Unis sont privées, ce qui signifie qu’il existe d'importantes opportunités d’investissement dans des secteurs tels que la santé, le financement de l’IA et la transition énergétique, qui sont très présents sur les marchés privés.
Si l’on considère les quatre principales catégories d’actifs privés (le Private Equity, le crédit privé, l’immobilier et les infrastructures) chacune d’entre elles présente ses propres secteurs, profils de risque et potentiels de rendement. L'avantage des marchés privés réside dans le fait qu’ils offrent une diversité de résultats potentiels, comme une augmentation des rendements, des revenus plus élevés et plus stables ou encore une véritable diversification.
Le Private Equity, par exemple, a toujours généré des rendements exceptionnels par rapport aux actions cotées, tandis que le crédit privé peut offrir des flux de revenus plus élevés. De leur côté, les actifs réels, tels que les infrastructures, peuvent générer à la fois des rendements plus élevés et une réduction des risques, tout en offrant une exposition à des primes de risque difficiles à trouver sur les marchés cotés, comme le risque lié au prix de l’électricité. Ces actifs peuvent réellement contribuer à créer un portefeuille plus efficace pour les clients.
La liquidité, ou plutôt l'illiquidité, est un défi à prendre en compte dès le départ. De par leur nature même, les actifs privés ne sont pas négociés fréquemment. Il est donc essentiel d’envisager ces investissements sur le long terme, même si certaines structures offrent des options de liquidité limitées.
Dans quelle mesure l’introduction de structures evergreen ouvertes (ou semi-liquides) a-t-elle changé la façon dont les investisseurs privés doivent envisager les actifs privés ?
La mise en place de ces structures, qui comprennent les OPC partie II luxembourgeois, les ELTIF (Fonds européen d’investissement de long terme) et les LTAF (Fonds d’actifs à long terme) autorisés au Royaume-Uni, change véritablement la donne, et leur pertinence pour la clientèle patrimoniale est indéniable.
- L'OPC partie II est aujourd’hui une structure de fonds luxembourgeoise très populaire qui investit dans tous types d’actifs, est éligible en tant que fonds d’investissement alternatif et peut être vendue à tous types d’investisseurs à l'échelle mondiale (hors États-Unis en onshore).
- Le LTAF au Royaume-Uni, initialement conçu pour des groupes spécifiques (investisseurs exonérés d’impôt, régimes de retraite à cotisations définies et à prestations définies et organismes caritatifs), est accessible depuis juin 2023 aux investisseurs particuliers conseillés et discrétionnaires. Plus précisément, avec le lancement de sociétés d’investissement à capital variable LTAF, nous voyons une opportunité intéressante d’offrir un accès à ces résultats d’investissement différenciés. Le marché britannique est déjà familiarisé avec les investissements dans des actifs privés tels que les infrastructures et le Private Equity grâce au succès des structures d'investissement fiduciaire. Les LTAF et les trusts ont des caractéristiques distinctes, mais nous pensons qu’ils sont complémentaires en ce qu’ils offrent une exposition aux actifs privés. Dans l’ensemble, un LTAF représente plus qu’un simple nouveau produit : il a le potentiel de transformer la perception des investisseurs et leur accessibilité aux actifs privés dans divers segments.
- L'ELTIF a été initialement créé en tant que structure à capital fixe, mais depuis octobre 2024, de nouvelles règles sur les rachats et la liquidité permettent désormais la création des ELTIF à durée indéterminée (ou evergreen). L’ELTIF 2.0 offre une plus grande flexibilité d’investissement, un éventail d’actifs plus large que la version précédente et une moindre complexité en matière de distribution.
Les structures evergreen deviennent de plus en plus essentielles aux gérants de patrimoine qui cherchent à inclure une offre dédiée aux marchés privés dans leurs gammes de produits. À titre d’exemple, Schroders a récemment annoncé un partenariat avec une banque européenne qui n’avait pas proposé d’actifs privés ou alternatifs à ses clients (via un UCI Part. II) depuis plus de dix ans. Nous pensons que l’introduction du LTAF pourrait susciter une demande similaire au Royaume-Uni.
Dans quelle mesure les inquiétudes concernant la liquidité et la valorisation sont-elles justifiées et comment les investisseurs peuvent-ils se prémunir contre les risques associés ?
La principale préoccupation est de savoir si les investisseurs comprennent les caractéristiques des produits qu’ils achètent. La liquidité et la valorisation des actifs privés méritent toutes deux une attention particulière.
De par leur nature, de nombreux actifs privés ne sont pas négociés fréquemment, ce qui limite l’accès des investisseurs à leur capital, le cas échéant. Contrairement aux actions ou obligations de sociétés cotées, qui peuvent être vendues presque instantanément, les investissements privés nécessitent souvent un engagement à plus long terme, ce qui signifie que le capital de l'investisseur peut être immobilisé pendant des années. Cela dit, il est également important de tenir compte de la fréquence réelle à laquelle les gens accèdent à leurs pensions ou à leur compte d'épargne individuel. Pour de nombreuses personnes, ces placements sont des investissements à long terme pour lesquels un capital immédiat n'est pas attendu.
La valorisation est un autre domaine critique de la due diligence des investisseurs. Déterminer la juste valeur des actifs privés peut s’avérer complexe, car ces derniers ne disposent souvent pas de prix de marché facilement accessibles. Ce manque de transparence peut rendre difficile l’évaluation de la valeur réelle de votre investissement, surtout en période de fluctuations du marché.
Concrètement, comment les investisseurs peuvent-ils se prémunir contre ces risques ? Voici quelques éléments à prendre en compte :
La taille de la position est essentielle : alors que les allocations moyennes des family offices ont tendance à se situer autour de 45 %, nous constatons qu'en gestion de patrimoine, pour les clients adaptés, l'allocation est seulement de 10 % à 20 % dans les structures illiquides et semi-liquides du marché privé.
Diversification : se diversifier permettre de réduire l’impact qu’un actif ou un secteur peut avoir sur l’ensemble d'un portefeuille.
Due diligence : un fonds bien géré et qui bénéficie d’un historique solide peut contribuer à atténuer les inquiétudes concernant la valorisation et la liquidité.
Gestion de la liquidité : il est important d'étudier la manière dont la liquidité est gérée car celle-ci varie d’un fonds à l’autre, en particulier dans le cas des fonds ouverts à durée indéterminée.
Rester informé : surveiller régulièrement ses investissements et faire le point des valorisations et de la liquidité avec les gérants de fonds est essentiel.
La liquidité et la valorisation sont, certes, des facteurs importants à prendre en compte, de même que le potentiel à long terme des actifs privés, qui peut s'avérer intéressant. Il est également utile de se rappeler que le risque de liquidité peut prendre plusieurs formes. Les dix premières sociétés du S&P 500 représentent désormais environ 30 % de l’indice, tandis que les dix premières du FTSE 100 en représentent près de 50 %. Cette réalité souligne l’importance de diversifier son portefeuille dans les actifs privés car ils offrent une exposition à un plus large éventail d’entreprises et d’opportunités de croissance non disponibles sur les marchés cotés.
Les investisseurs institutionnels investissent dans les actifs privés depuis déjà plusieurs années : les investisseurs particuliers sont-ils « en retard » à cet égard ?
Pas du tout. Le marché reste caractérisé par une pénurie de capitaux par rapport aux projets et aux opportunités disponibles. Il en résulte un environnement dans lequel les particuliers comme les institutions peuvent bénéficier d’un excellent point d’entrée.
Bien que cet article se concentre principalement sur les infrastructures, les conditions actuelles du marché pourraient constituer un point d’entrée favorable pour les investissements dans les infrastructures renouvelables. Si l'on pense aux capitaux nécessaires pour faire progresser l’expansion de l’IA ou pour mener à bien la transition énergétique, le nombre de projets est tout simplement trop important par rapport aux fonds dont nous disposons. Les gouvernements n’ont pas les capitaux nécessaires : les rendements doivent donc inciter les capitaux privés à saisir ces opportunités.
Comment l'environnement actuel des taux d’intérêt influe-t-il les perspectives des différents actifs privés ?
Les taux d’intérêt peuvent influencer l’attractivité d’un investissement. Les taux de base ont une incidence sur notre façon d'évaluer les actifs et les coûts d’emprunt liés à l’effet de levier. C’est pourquoi il est important de porter une attention particulière non seulement au chiffre global de l’effet de levier, mais aussi à l'ensemble du contexte, ainsi qu’à la structure de la dette (dette amortissable garantie par des flux de trésorerie contractuels vs des prêts à long terme avec un risque de remboursement/refinancement). De toute évidence, des taux plus bas profitent aux actifs à rendement et à des valorisations plus larges, mais ce n’est pas nécessairement une obligation.
L'environnement actuel des taux d’intérêt affecte considérablement la façon dont nous évaluons les différents actifs privés, et il est essentiel de comprendre ces dynamiques pour prendre des décisions d’investissement éclairées.
Dans le domaine du Private Equity, si des taux plus élevés peuvent peser sur les valorisations, il faut également prendre en compte la capacité des sociétés de Private Equity à adapter leurs stratégies. Certaines se concentrent sur les petites et moyennes capitalisations, où l’effet de levier est moins important que pour les « méga-transactions » qui font la une des journaux. Le passage à un environnement plus stable, voire à une baisse des taux, serait bien entendu bénéfique pour ces investissements, mais ce n’est pas une obligation.
Quelles sont les considérations pratiques pour les investisseurs professionnels et leurs clients qui s'intéressent aux actifs privés, (plateformes appropriées, enveloppes fiscales, etc.) ?
Les différentes zones géographiques en sont à des stades différents. Les grandes banques privées mondiales sont bien développées, mais il existe des nuances régionales ou nationales. Au Royaume-Uni, par exemple, nous n’en sommes qu’au début de ce processus. D’après les conversations actuelles, le phénomène semble prendre de l’ampleur. Des pourparlers sont en cours avec un certain nombre de plateformes de conseil britanniques et nous espérons intégrer notre premier LTAF. Nous prévoyons un développement progressif avec l’arrivée de nouveaux capitaux. Lorsque l'on entend parler d’une « absence de demande pour les LTAF », il est essentiel de se rappeler que le premier LTAF de gestion de patrimoine n’a été lancé qu’au dernier trimestre 2024.
Le marché britannique de la gestion de patrimoine et du conseil est en retard en ce qui concerne le développement de l'infrastructure du marché. Les entreprises américaines et européennes de gestion de patrimoine et de conseil utilisent depuis quelques années des plateformes qui développent les infrastructures nécessaires à la proposition de fonds semi-liquides et fermés : le Royaume-Uni est l’exception plutôt que la règle. Le marché des fonds de pension à cotisations définies au Royaume-Uni a également développé des solutions de plateforme. La question n’est donc pas de savoir « si », mais « quand ».
Une version de cet article a été publiée pour la première fois sur Wealthwise (uniquement disponible en anglais).
Lire l’intégralité de notre analyse sur les considérations essentielles pour les gérants de patrimoine lors de l’allocation aux marchés privés (uniquement disponible en anglais).
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